Natalis
J'envisage davantage Noël comme un tournant que le véritable Nouvel An, ou même que mon anniversaire (à croire que j'aurais dû naître un 25 décembre). Il y a déjà cette attente, ce sentiment, cette sensation que quelque chose va advenir (le terme d'Avent vient ainsi du latin advenire, "advenir"), qui culmine le 24 au soir. La nuit courte, presque blanche, partagé entre le désir de rester éveillé et le besoin de dormir. Et au petit matin, la même chanson, la même odeur de pain grillé (parfois brûlé) et de fumée de bougie, et les cadeaux, bien sûr, empilés sur les chaussures, parfois cachés à l'intérieur. C'est à ce moment-là que j'ai l'impression qu'une nouvelle année débute vraiment.
D'ailleurs, Noël vient du latin natalis, qui signifie "relatif à la naissance". Alors oui, il y a le petit Jésus derrière, mais au-delà de toute religion une image, celle du nouveau-né dans les bras de sa mère, une image qui m'émeut toujours, qui chaque fois se superpose au Nouveau-né de Georges de La Tour.
Le Nouveau-né du mystérieux peintre lorrain Georges de La Tour. Mystérieux car nous savons bien peu de choses sur sa vie et son œuvre. Une cinquantaine de tableaux lui sont attribués, dont seulement deux sont datés. Et pourtant, il aurait fait une belle carrière à Lunéville, la capitale du duché de Lorraine, vendant même des tableaux au duc. En 1639, il passe un bref séjour à Paris, où il est nommé peintre ordinaire du roi. Un éventuel voyage en Italie est incertain, bien que l'influence du Caravage semble évidente dans son oeuvre. Voilà pour les faits, Bien peu de choses, en vérité... et ce silence laisse parler son art, et celui qui écoute se prend à imaginer...
Imaginer... Un plat de Noël, simple, chaleureux, lumineux, à l'image de cette toile.
Le Nouveau-né du mystérieux peintre lorrain Georges de La Tour. Mystérieux car nous savons bien peu de choses sur sa vie et son œuvre. Une cinquantaine de tableaux lui sont attribués, dont seulement deux sont datés. Et pourtant, il aurait fait une belle carrière à Lunéville, la capitale du duché de Lorraine, vendant même des tableaux au duc. En 1639, il passe un bref séjour à Paris, où il est nommé peintre ordinaire du roi. Un éventuel voyage en Italie est incertain, bien que l'influence du Caravage semble évidente dans son oeuvre. Voilà pour les faits, Bien peu de choses, en vérité... et ce silence laisse parler son art, et celui qui écoute se prend à imaginer...
Imaginer... Un plat de Noël, simple, chaleureux, lumineux, à l'image de cette toile.
Simplicité
L'œuvre de Georges de La Tour est traditionnellement séparée en deux types : d'une part les diurnes, ou scènes de jour, souvent des scènes de rue et profanes (rixes de musiciens, diseuse de bonne aventure, ou encore des mangeurs de pois), et d'autre part les nocturnes. Ces dernières mêlent très souvent le profane et le sacré, en transposant des thèmes religieux dans un contexte quotidien et contemporain au peintre, à moins que ce ne soit l'inverse, une sacralisation d'une scène du quotidien.
Ou que le sacré se révèle dans le quotidien.
Il y a dans ce traitement du sujet une influence indéniable du Caravage, dont le caractère profane de ses peintures religieuses lui valut parfois les critiques, voire même le rejet de ses commanditaires (il en est ainsi de La Mort de la Vierge, peinte vers 1601-1606).
Dans cette scène, pas de fioritures ou de décor théâtral. Juste trois personnages (le 3, chiffre de l'équilibre et de la Trinité), représentant trois générations : un nouveau-né, sa mère et une autre femme plus âgée, sans doute la grand-mère. Un cadrage serré, qui nous les rend si proches, comme si nous nous tenions en face d'eux.
La palette chromatique est elle aussi restreinte : des tons dorés, orangé et bruns sur un fond sombre. Et ce blanc, lumineux et central, qui semble émaner du tout-petit, dont les traits sont dépeints avec une finesse calligraphique. Cependant la véritable source de lumière est une simple bougie, cachée derrière la main levée de la femme plus âgée.
Puissance et fragilité de sa flamme, qui présage la puissance et la fragilité de celui qui vient de naître, de la vie, à l'époque où la mortalité infantile est encore très forte.
Puissance et fragilité de sa flamme, qui présage la puissance et la fragilité de celui qui vient de naître, de la vie, à l'époque où la mortalité infantile est encore très forte.
Georges de La Tour, Le Nouveau-né, vers 1648. Huile sur toile, 76 x 91 cm. Musée des Beaux-Arts de Rennes. Saisie révolutionnaire, 1794. |
Douceur
Les formes sont simplifiées, comme adoucies, toutes en courbes et en rondeurs, rendant le visage de la jeune femme délicat comme un madone, rappelant Léonard de Vinci ou Raphaël.
Les teintes sont chaudes, de l'or au brun chaud, en passant par l'orangée de la robe de la jeune femme. Même le blanc semble irradier de chaleur, protégeant le nouveau-né, le réchauffant de l'air que l'on devine frais, un soir d'hiver.
Les regards se tournent avec tendresse vers le nourrisson endormi, l'expression est indéfinissable, un demi-sourire, une pointe de mélancolie, beaucoup d'amour.
Lumière et clair-obscur
Noël est une fête de lumière.
La naissance bien sûr, comme le passage des ténèbres à la lumière. Fiat Lux : et la lumière fut.
Les jours qui s'allongent et les nuits qui reculent peu-à-peu après le solstice d'hiver.
Une nuit étoilée. Une étoile des Bergers.
Les guirlandes scintillantes qui font miroiter les boules du sapin.
Les bougies sur la table, leur chaleur, leur odeur fumée, l'or dont elles parent toute chose, et les ombres qu'elles font vaciller. Leur lueur fait vibrer le réel, fait danser l'immobile.
La flamme éclaire et fait se rapprocher les êtres. Elle clôt le monde. Il y a la bulle lumineuse et chaleureuse, et tout autour, un monde de ténèbres. La limite de son éclairage dresse un mur opaque.
La lueur d'une bougie est artiste, elle sculpte et modèle les formes, elle repeint tout dans des tonalités d'or, d'ambre et de feu. Certes, elle éclaire, mais elle jette dans l'ombre et le mystère tout ce qui est autour et qui se soustrait à sa flamme.
Clair-obscur... chiaroscuro... un terme d'origine italienne associant deux adjectifs antagonistes pour désigner un effet de contrastes produit par la lumière et les ombres des objets représentés. La technique a été mise au point au cours de la 2nde Renaissance (fin XVe et XVIe siècles) en Italie, puis largement perfectionnée par Michelangelo Merisi da Caravaggio, le Caravage. Elle fait de nombreux émules, en Italie et dans les Flandres notamment, avec des artistes dits "caravagesques".
Le clair-obscur de Georges de La Tour est un clair-obscur très doux, très doré, "luministe".
La naissance bien sûr, comme le passage des ténèbres à la lumière. Fiat Lux : et la lumière fut.
Les jours qui s'allongent et les nuits qui reculent peu-à-peu après le solstice d'hiver.
Une nuit étoilée. Une étoile des Bergers.
Les guirlandes scintillantes qui font miroiter les boules du sapin.
Les bougies sur la table, leur chaleur, leur odeur fumée, l'or dont elles parent toute chose, et les ombres qu'elles font vaciller. Leur lueur fait vibrer le réel, fait danser l'immobile.
La flamme éclaire et fait se rapprocher les êtres. Elle clôt le monde. Il y a la bulle lumineuse et chaleureuse, et tout autour, un monde de ténèbres. La limite de son éclairage dresse un mur opaque.
La lueur d'une bougie est artiste, elle sculpte et modèle les formes, elle repeint tout dans des tonalités d'or, d'ambre et de feu. Certes, elle éclaire, mais elle jette dans l'ombre et le mystère tout ce qui est autour et qui se soustrait à sa flamme.
Clair-obscur... chiaroscuro... un terme d'origine italienne associant deux adjectifs antagonistes pour désigner un effet de contrastes produit par la lumière et les ombres des objets représentés. La technique a été mise au point au cours de la 2nde Renaissance (fin XVe et XVIe siècles) en Italie, puis largement perfectionnée par Michelangelo Merisi da Caravaggio, le Caravage. Elle fait de nombreux émules, en Italie et dans les Flandres notamment, avec des artistes dits "caravagesques".
Le clair-obscur de Georges de La Tour est un clair-obscur très doux, très doré, "luministe".
Rôti de Noël aux haricots rouges farci aux châtaignes (sans gluten)
De ce tableau, j'ai donc opté pour un plat simple mais harmonieux, composé d'une trinité végétale aux teintes orangées et brunes :
♦ un rôti de haricots rouges farci aux châtaignes et sa sauce au miso,
♦ une purée mousseline aux carottes et au thym,
♦ une poêlée de châtaignes à l'ail des ours et aux raisins secs.
Ce rôti est en fait une combinaison de deux recettes : le seitan aux haricots rouges de Clea dans son ouvrage Tout sans gluten, pour la base, et le rôti de seitan farci aux châtaignes de Marie Laforêt dans Vegan, pour l'inspiration.
N'ayant jamais cuisine de seitan classique, je ne peux énoncer une quelconque comparaison. Une chose est sûre, cette version est indéniablement savoureuse, et, contrairement à mes expectations, aisée à réaliser (un bon mixeur reste cependant de mise, mais avec une bonne huile de coude, pourquoi pas ?).
Les haricots rouges apportent un petit goût très légèrement sucré et réconfortant... En outre, incorporer des légumes secs à ce plat me semblaient un bel hommage à un autre tableau de Georges de La Tour, Les Mangeurs de pois, peint vers 1620, que j'ai déjà mentionné dans un précédent article, ces "céréales du pauvre", qui méritent davantage de trouver une place à notre table pour leurs richesses nutritionnelles (attention cependant de ne pas en abuser si vous souffrez de troubles intestinaux).
Quant à la mousseline, on ne peut pas faire plus simple : des carottes juste cuites, une pointe de thym, un peu de purée de noix de cajou (ou autre oléagineux), une pincée de sel, de poivre, et c'est tout. Les carottes peuvent très bien être remplacées par de la courge butternut ou du potimarron.
Enfin, des châtaignes poêlées avec un peu d'ail des ours et de sauce tamari, agrémentées d'une poignée de raisins secs. Des champignons et un peu d'échalotes ou d'oignons pourraient s'inviter dans ce mélange brun et doux.
Douceur et chaleur... les deux caractéristiques des aliments appartenant à l'Énergie Terre en Médecine Traditionnelle Chinoise.
L'Énergie Terre, ou l' Énergie de l'intersaison, parfaite donc pour ce passage de l'automne à l'hiver.
L'Énergie Terre est aussi le symbole de la fertilité et la figure même de de la maternité, ce qui nous ramène à Noël, natalis, fête de la naissance.
Haricots rouges, carottes ou courge, noix de cajou, châtaignes... des aliments réconfortants, pleines lunes et demi-lunes...
La châtaigne, enfermée dans sa double enveloppe-cocon.
Le rôti de haricots rouges, enveloppant la farce, emmailloté de film étirable pour un bain au bouillon de légumes... (Oui, je vais très loin dans l'association d'idées...!)
Douceur et lumière, aussi, par le choix d'un plat végétal, parce que Noël est une fête de joie et d'ode à la nature, à la création, dans toutes ses facettes. Une fête de respect et de partage, à la gloire de la vie, de la naissance... comment concevoir dès lors d'inviter mort et cruauté sur la table ?
Fêter Noël, ce peut être juste marcher dans la nature.
Fêter Noël, ce peut être juste être deux, ensemble.
Fêter Noël, ce peut être juste allumer une bougie.
Fêter Noël, ce peut être juste contempler les étoiles.
★✭★ Je vous souhaite à toutes et à tous de très lumineuses fêtes de fin d'année. ★✭★
Pour 4 personnes (environ 12 petites tranches)
Pour le rôti :
80 g de farine de riz complète
40 g de fécule de pommes de terre
13 g de graines de lin moulues
1 càs de flocons de levure (de riz pour une version totalement sans gluten, sinon maltée)
1 cube de bouillon de légumes (dose pour 500 ml d'eau)
1 càs de coulis de tomate
1 càs de tamari
herbes de Provence (1 càc)
paprika (1 pincée)
ail (1/2 càc)
sel et poivre
Pour la farce :
200 g de châtaignes cuites1 échalote
1 càs de tamari
ail des ours (1 càc)
50 ml d'eau
1 càs d'huile d'olive
La sauce :
1 càc de miso blanc1 càc de miso brun (de riz pour ma part)
200 ml d'eau
1 càs de fécule de maïs
poivre
Le rôti :
♦ Préparer un bouillon de légumes en portant à ébullition 500 ml d'eau avec le cube de bouillon. En prélever 65 ml, réserver le reste pour la cuisson finale du rôti.
♦ Mixer tous les ingrédients avec un bon blender, sans oublier les 65 ml de bouillon réservé. Rectifier l'assaisonnement selon les goûts.
En cas d'absence de blender puissant, écraser les haricots rouges à la fourchette. Ajouter le bouillon réservé, le coulis de tomate, la sauce tamari, puis tous les ingrédients secs.
La pâte obtenue doit être modelable et non collante.
♦ Étaler la pâte en rectangle de 1 cm d'épaisseur et d'environ 15 cm de long sur un large film étirable.
La farce :
♦ Ciseler finement l'échalote. La faire revenir dans l'huile d'olive quelques minutes avant d'ajouter les châtaignes grossièrement hachées.
♦ Ajouter l'eau, la sauce tamari et l'ail des ours. Laisser réduire jusqu'à l'évaporation totale.
♦ Porter à ébullition en mélangeant bien avec un fouet jusqu'à épaississement. Ajouter du poivre selon les goûts.
La sauce :
♦ Délayer le miso blanc, le miso brun et la fécule de maïs dans l'eau.♦ Porter à ébullition en mélangeant bien avec un fouet jusqu'à épaississement. Ajouter du poivre selon les goûts.
Assemblage et cuisson :
♦ Répartir la farce au centre, dans la longueur du rectangle de pâte. Refermer le rôti avec soin, en amalgamant bien sur les côtés afin de former un beau boudin.
♦ Enrouler de film étirable et faire rouler sur la table pour bien compacter le tout. Fermer les extrémités à l'aide de ficelle ou de fil à coudre.
♦ Porter à ébullition le bouillon restant, y plonger le rôti avec délicatesse. Recouvrir d'eau au besoin. Laisser cuire à frémissement pendant environ 20 minutes, puis éteindre le feu et laisser encore 10 à 15 minutes.
♦ Retirer délicatement le rôti du film étirable. Napper de sauce chaude et servir immédiatement, avec les accompagnements choisis.
Le rôti peut aussi être placé dans un plat afin d'être maintenu chaud ou réchauffé au four, après nappage de la sauce.
DAVEAU Gilles. Le Manuel de cuisine alternative. Arles : Actes Sud, 2014. 128 pages (Collection Domaine du possible).
LAFORET Marie. Vegan. Paris : La Plage, 2014. 324 pages.
♦ Retirer délicatement le rôti du film étirable. Napper de sauce chaude et servir immédiatement, avec les accompagnements choisis.
Le rôti peut aussi être placé dans un plat afin d'être maintenu chaud ou réchauffé au four, après nappage de la sauce.
Sources
Histoire de l'art
Notes issues de mes cours d'Histoire de l'art
MIGNOT Claude, RABREAU Daniel (dir.). Temps modernes : XVe-XVIIIe siècles. Paris : Flammarion, 2011. 604 pages. (Collection Histoire de l'art Flammarion).
Cuisine
Clea. Tout sans gluten. Paris : La Plage, 2015. 324 pages.
COUDERC Bruno, DAVEAU Gilles, MISCHLICH Danièle, RIO Caroline. Savez-vous goûter... les légumes secs ? Rennes : École des Hautes Études en Santé Publique, 2014. 125 pages. (Collection Savez-vous goûter... ?
DAVEAU Gilles. Le Manuel de cuisine alternative. Arles : Actes Sud, 2014. 128 pages (Collection Domaine du possible).
LAFORET Marie. Vegan. Paris : La Plage, 2014. 324 pages.
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