La Mousseline Lune Blanche ☾

          

          Tout a commencé lorsque je suis rentré ce soir-là, un peu plus tard que d'habitude car j'avais aidé le Pierrot à rentrer ses brebis. Les loups rôdaient dans les bois, on les entendait hurler alors que le soir était déjà tombé. C'était une nuit de pleine lune, les façades des maisons, les feuilles et l'écorce des arbres scintillaient comme si elles étaient d'argent et non de bois ou de pierre. 
          Moi, je rentrais tranquillement vers ma maison, je n'avais pas peur, ni de la nuit ni des loups, on m'appelait Jean sans peur. J'avais mon sac sur le dos et je chantonnais un air d'amour galant. J'étais jeune alors, je n'avais pas passé vingt hivers, et ma mère devait m'attendre pour souper, assise à broder près de l'âtre. Et c'est alors que je l'ai vue devant moi, sur le chemin de terre parmi les bois. Une grande louve au pelage blanc comme neige. Elle a tourné sa tête vers moi, et j'ai croisé son regard, ses deux grands yeux dorés qui me contemplaient. Je ne bougeais pas et ne baissais pas mon regard comme mon grand-père me l'avait dit jadis. Elle ne semblait pas agressive, mais presque mélancolique. Elle a poussé un petit hurlement, et puis elle a détourné les yeux la première. Elle est repartie parmi les feuillages et je suis passé. Mais quand je me suis retourné j'ai bien vu qu'elle humait le sol que j'avais foulé. 
          À ma tendre mère je n'ai rien dit, sachant d'avance qu'elle allait me raconter ces histoires légendaires de bêtes féroces et sanguinaires qui avaient bercé mes nuits d'enfance. Et les jours sont passés, un hiver et deux étés.
          Je suis tombé malade avant la Noël, il y avait une épidémie dans le village et les gens mouraient par dizaines. J'étais jeune et fort, je ne pensais pas que la maladie pouvait m'atteindre, alors je ne comptais pas mes heures, je creusais des tombes et ensevelissais les morts pour leur apporter une sépulture décente. Mais la maladie m'a pris, comme tant d'autre, et un soir de pleine lune voilà que j'agonisais dans mon lit, ma douce mère impuissante à mon chevet. Ses simples étaient impuissantes à épancher mon mal, elle avait compris que mon sort n'était plus entre ses mains, alors elle est sortie chercher du bois pour nourrir le feu qui allait réchauffer mes dernières heures. 
          Quand elle est partie, j'ai senti une présence à mes côtés. C'était un ange aux longs cheveux blonds presque blancs et aux yeux dorés. Elle chantait dans une langue que je ne connaissais pas, sa voix était douce et m'apaisait. J'aurais pu croire que j'étais au Paradis, ou du moins que j'en prenais le chemin, lorsque je remarquais que le coin de la bouche de l'ange avait une marque rouge. Une marque de sang, comme si elle avait perdu une dent. Elle s'est essuyée la bouche et a approché sa blanche main de mon cœur. Elle avait dans son poing enserré une longue dent crochue couleur ivoire tachée de rouge comme si on venait tout juste de l'arracher à un loup. Elle me l'a plantée dans le cœur. 
          Je me suis réveillé le lendemain à l'aube. Ma mère n'en croyait pas ses yeux. Elle avait les bras chargés de bois et le cœur empli de tristesse. Elle allait quémander le prêtre lorsqu'elle s'est aperçu que je respirais calmement, que la fièvre s'était envolée et que même, je souriais dans mon paisible sommeil. J'étais sauvé. J'en avais mystérieusement réchappé. J'avais autour du cou une ficelle au bout de laquelle pendait un croc. Un croc de loup.
          Ma mère a tout de suite compris que ma guérison miraculeuse ne serait pas sans contrepartie, mais qu'il fallait bénir le Ciel de m'avoir laissé la vie sauve malgré tout. Ce revers, je l'ai constaté à la pleine lune suivante. J'étais devenu loup, mi-homme mi-canidé. Un loup grand comme un homme, un homme noir comme un loup. Et depuis, je porte toujours le croc à mon cou. Le croc de la louve blanche avec qui je sillonne les bois les nuits de pleine lune et les sentiers le jour.

drawing wolf





En allant à Montpellier
Passant par Saint-Martin de Londres
Par un bois je suis passé
Qu'on disait Bois de la Valenne

Mais quand la nuit est tombée
J'ai trouvé l'herbe qui égare
Je n'savais plus où j'étais
Lorsque la lune a été haute

Un loup grand comme un homme
Un homme noir comme un loup
Je les suis, je les mène au son du violon

Alors j'ai vu un grand feu
Tout au mitan d'une clairière
Il y avait cent et vingt loups
Qu'étaient assis sur leur derrière

Un loup grand comme un homme
Un homme noir comme un loup
Je les suis, je les mène au son du violon

Quand je me suis approché
Ils grondaient en grattant la terre
Mais un chant les a calmés
Et c'est Jean de loups qui s'avance

Un loup grand comme un homme
Un homme noir comme un loup
Je les suis, je les mène au son du violon

Il m'a salué poliment
En disant de venir m'asseoir
Il m'a parlé gentiment
C'est pour raconter ses histoires

Un loup grand comme un homme
Un homme noir comme un loup
Je les suis, je les mène au son du violon

Quand je suis arrivé
De la paille dans mes souliers
Ma vie j'ai dû gagner
En faisant le ménétrier

En rentrant d'une assemblée
Un grand loup ai rencontré
Avec un air à faire trembler
Tout à l'ombre d'un noyer

Il s'est mis à me parler
Et mes deux mains a léchées
Avec lui j'ai dû marcher
Prenant garde de ne pas tomber

Dans ce bois il m'a mené
Un oiseau de chaque côté
Trois sorcières sur un bûcher
Trois pénitents à chanter

Ses frères il m'a présentés
Et moi je leur ai parlé
Un hiver deux étés
Et tous les jours de l'année

La lune nous a donné
La faim dans nos deux côtés
Et nous serons rassasiés
Le jour du jugement dernier

Alors je suis reparti
Passant par Saint-Martin de Londres
Et deux grands loups m'ont suivi
Tout en marchant dessus la route

Quand les loups sont retournés
Dedans le Bois de la Valenne
Un gros pain leur ai donné
Ils ont mangé devant ma porte

Un loup grand comme un homme
Un homme noir comme un loup
Je les suis, je les mène au son du violon


Malicorne, Jean des Loups, tiré du Bestiaire, 1979, Gabriel Yacoub, 8:01.




Dansons avec les loups, notre vie n'en sera que plus douce ✨


          Ah que j'aime les contes et les légendes (sillonnez donc ce blog et vous comprendrez) ! Que j'aime ces récits dits fantastiques, imaginaires, fictifs, inventés, mais qui possèdent peut-être bien plus de "réalité" qu'ils n'en paraissent ! (peut-être bien plus que toutes ces descriptions rigoureusement précises ?). Que nous y croyons ou pas, les récits cosmogoniques, fondateurs, mythologiques ou religieux cherchent tous à expliquer le monde, ses phénomènes physiques et métaphysiques. Ils ne remplacent certes pas l'observation, l'étude rationnelle des faits, mais ils peuvent la nourrir, l'enrichir, en lui donnant une autre saveur, une autre couleur ✨. Ils nous touchent car même si ce qu'ils décrivent nous semblent aujourd'hui surnaturel, impossible, tiré par les cheveux, fantasmagorique, ils nous font toucher du doigts un autre type de savoir, un savoir indicible. Un savoir que nous ressentons plus que nous ne le concevons. Un savoir sans âge, atemporel (au-delà des notions temporelles) et atopique (au-delà des notions spatiales, du grec topos, le lieu).


" La puissance d'un roman peut être ressentie, mais ni touchée, ni entendue, ni vue."
Timothy Binkley, "Pièce contre l'esthétique", 1977.


          Nous pouvons choisir de croire à ces légendes, à ces récits, de croire en ces personnages mythologiques, licornes, fées, lutins et loups-garous... Et ce, même si nous n'en avons jamais vus. Car personne ne pourra nier qu'ils existent bien dans les chansons, dans l'imaginaire, dans l'atmosphère, dans les écrits, dans les silences, dans la musique, dans les souvenirs, dans la forme d'un objet, dans un paysage. Partout, en fait, si tant est que nous voulions bien les voir, ou plutôt les sentir.

boule glace


Le céleri, la plante de la Lune

          
          Le terme céleri viendrait du lombard (un dialecte italien) seleri, lui-même dérivé du bas latin selinon, calqué sur le grec selinon, "la plante de la lune", à rapprocher sans doute au culte de la déesse grecque de la Lune, Séléné . En imaginant cette mousseline et l'atmosphère de pleine lune qui l'entoure, je ne connaissais pas l'étymologie du terme, et j'ai vu cette coïncidence comme un petit clin d’œil des étoiles★. Il est vrai que le céleri-rave ressemble à notre satellite, dans sa forme, sa couleur ivoire et sa surface accidentée ponctuée de cratères et d'aspérités. 


céleri
La beauté lunaire du céleri-rave

           Le céleri (apium graveolens) est une plante potagère de la famille des Apiacées (comme la carotte ou le persil), variété douce et cultivée de l'ache (aussi appelée céleri sauvage ou des marais). Utilisé comme plante médicinale dès l'Antiquité, le céleri n'entre dans les potagers pour la consommation courante qu'à partir du XVIIe siècle. Il en existe aujourd'hui de nombreuses variétés, dont on consomme les feuilles, les tiges ou la racine sphérique et charnue. Les plus connues sont :

♦ le céleri-branche, dit aussi céleri à côtes (apium graveolens dulce)

♦ le céleri-rave, dit aussi céleri-navet ou céleri pansu (adorable, n'est-ce pas ?) (apium graveolens rapaceum)

          Sous sa surface apocalyptique, le céleri-rave possède de nombreux atouts pour notre santé :

♦ Il contient des fibres solubles qui limitent l'absorption du sucre par notre organisme, et permettent donc de réduire le taux de cholestérol dans le sang. 
♦ Il a des propriétés diurétiques, c'est-à-dire qu'il favorise l'élimination d'un éventuel excès d'eau, ainsi que les toxines et les déchets engorgeant notre organisme.
♦ Il possède des propriétés hypoglycémiantes, et est donc conseillé pour les personnes diabétiques.
♦ Le céleri-rave est riche en vitamines K ★ (coagulation du sang, formation des os), B6 ★(équilibre psychique, formation des globules rouges) et C ★(propriétés antioxydantes, absorption du fer), mais aussi en calcium et en magnésium.

♦ Et petit bonus... le jus de cuisson du céleri est aussi considéré comme un vieux remède contre les engelures, la toux ou la bronchite (les petits maux de l'hiver).



céleri
Le croissant de Céleri-Lune

          Par sa forme, sa texture ronde et sa densité, le céleri-rave appartient à l'énergie Terre en MTC (Médecine Traditionnelle Chinoise) : l'énergie maternelle, du réconfort et de la protection. Cette énergie, ou force, est la seule des cinq éléments de la MTC à n'être rattachée à aucune saison en particulier, elle est le plan de référence, le point central. Durant notre vie, quelle que soit notre nature, notre constitution, notre tempérament, et quel que soit notre environnement, nous avons toujours besoin de nous entourer de cette force pour nous recentrer, nous revigorer, nous ressourcer.

          Il est amusant de constater que le céleri-rave associe la symbolique de la Lune et de la Terre. D'un côté, la rêverie, le lointain, l'éthéré (être dans la lune, demander la lune) et de l'autre ce que nous nommons la réalité, le proche, le matériel... Car finalement, ces termes ne sont que de faux antagonistes, des limites que nous nous fixons pour se rassurer. Où s'arrête le rêve ? Où commence le réel ? Quelle est la frontière entre le proche et le lointain ? (Oui, toute cette réflexion part d'un céleri-rave ☺).

mousseline blanche


          Par sa composition et l'équilibre entre les différents ingrédients, cette mousseline convient parfaitement à tous. C'est un concentré de douceur à la couleur blanc crème très gourmande. Et puis chaque élément apporte une étoile venant scintiller autour du céleri-Lune. Une composition interstellaire et poétique...


♦ Les flocons de riz sont les plus digestes et les plus doux des flocons de céréales. Mais je les ai aussi choisis car ils m'évoquent les flocons de neige... Leur couleur, leur légèreté correspondait parfaitement à l'atmosphère de cette mousseline (un clair de lune, un bois sombre, une fine brume, quelques flocons de neige... et la lumière chaude et dorée du feu dans l'âtre, des bougies, que l'on devine derrière les vitres)

♦ La purée de noix de cajou ♥, là encore un summum de douceur. Un concentré d'énergie Terre, comme le céleri-rave. Et autre point commun avec notre doux légume : cette forme...de demi-lune... Leur association semblait donc une évidence (et je ne suis pas la première à l'avoir notée !)



mousseline


Pour 4 personnes
un beau céleri-rave lunaire (environ 1 kg)
40 g de flocons de riz
400 ml de lait végétal (riz, avoine) ou d'eau
1 càs bombée de purée de noix de cajou
1 pincée de sel

♦ Éplucher la surface lunaire du céleri-rave (après avoir pris de jolies photographies afin de rendre honneur à sa beauté astrale). Le couper en cube avant de le faire cuire doucement dans une casserole à fond épais avec un peu d'eau.
♦ Lorsqu'il est tendre, saupoudre de flocons de riz et laisser gonfler à couvert 5 minutes (ajouter un peu d'eau si nécessaire).
♦ Mixer le tout avec le lait ou l'eau, la purée de noix de cajou et le sel.
♦ Savourer à la lueur d'une bougie en contemplant la lune qui veille (ou en l'imaginant si elle joue à cache-cache).


soupe blanche



Les bougeoirs de glace


Matériel
Ballons de baudruche
Eau
Bougies chauffe-plat

♦ Verser de l'eau dans les ballons de baudruche au robinet. Nouer l'embout.
♦ Laisser prendre au congélateur quelques heures voire une nuit. Pour ma part, je les ai laissées environ 5 heures et c'était parfait : le cœur doit rester liquide pour former des bougeoirs, sinon vous obtiendrez de belles sphères glacées !
♦ Déchirer le ballon. Vider l'eau encore contenue dans la boule en trouant la surface à l'aide d'un bâton, d'un crayon, du bout d'un couvert...
♦ Y déposer délicatement une bougie...
(Cela m'a trempé tout mon tissu, mais que c'est joli ! De belles mises en scène nocturnes et hivernales en perspective...)

boule glace

soupe céleri





Sources


COUPLAN François, DEBUIGNE Gérard. Le Petit Larousse des plantes qui guérissent. Paris : Larousse, 2013. 1032 pages.
DUFEY Mélanie. "Purée violette... synergie d'éléments étincelants" [En ligne]. In Chaudron Pastel. Mis en ligne le 3 novembre 2013.
"Céleri" [En ligne]. In PasseportSanté.net. Mis à jour en août 2011.
"Céleri-rave" [En ligne]. In PasseportSanté.net. Mis à jour en mars 2011.
"Cinq Éléments" (En ligne). In PasseportSanté.net. 

VIDALING Raphaële. Comment épater son fils. Paris : Tana, 2014. 144 pages.
Un recueil d'idées originales pour bricoler et réaliser de belles choses étonnantes et presque magiques ! J'y ai puisé la fabrication des bougeoirs de glace ♥. J'ai vu qu'il existe aussi Comment épater sa fille et Comment épater ses petits-enfants.

Et... Mon papa qui m'a fait découvrir Malicorne ♥.



Vous me conterez vos escapades lunaires ?




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