Rôti de Noël aux haricots rouges farci aux châtaignes (sans gluten)
Natalis
J'envisage davantage Noël comme un tournant que le véritable Nouvel An, ou même que mon anniversaire (à croire que j'aurais dû naître un 25 décembre). Il y a déjà cette attente, ce sentiment, cette sensation que quelque chose va advenir (le terme d'Avent vient ainsi du latin advenire, "advenir"), qui culmine le 24 au soir. La nuit courte, presque blanche, partagé entre le désir de rester éveillé et le besoin de dormir. Et au petit matin, la même chanson, la même odeur de pain grillé (parfois brûlé) et de fumée de bougie, et les cadeaux, bien sûr, empilés sur les chaussures, parfois cachés à l'intérieur. C'est à ce moment-là que j'ai l'impression qu'une nouvelle année débute vraiment.
D'ailleurs, Noël vient du latin natalis, qui signifie "relatif à la naissance". Alors oui, il y a le petit Jésus derrière, mais au-delà de toute religion une image, celle du nouveau-né dans les bras de sa mère, une image qui m'émeut toujours, qui chaque fois se superpose au Nouveau-né de Georges de La Tour.
Le Nouveau-né du mystérieux peintre lorrain Georges de La Tour. Mystérieux car nous savons bien peu de choses sur sa vie et son œuvre. Une cinquantaine de tableaux lui sont attribués, dont seulement deux sont datés. Et pourtant, il aurait fait une belle carrière à Lunéville, la capitale du duché de Lorraine, vendant même des tableaux au duc. En 1639, il passe un bref séjour à Paris, où il est nommé peintre ordinaire du roi. Un éventuel voyage en Italie est incertain, bien que l'influence du Caravage semble évidente dans son oeuvre. Voilà pour les faits, Bien peu de choses, en vérité... et ce silence laisse parler son art, et celui qui écoute se prend à imaginer...
Imaginer... Un plat de Noël, simple, chaleureux, lumineux, à l'image de cette toile.
Le Nouveau-né du mystérieux peintre lorrain Georges de La Tour. Mystérieux car nous savons bien peu de choses sur sa vie et son œuvre. Une cinquantaine de tableaux lui sont attribués, dont seulement deux sont datés. Et pourtant, il aurait fait une belle carrière à Lunéville, la capitale du duché de Lorraine, vendant même des tableaux au duc. En 1639, il passe un bref séjour à Paris, où il est nommé peintre ordinaire du roi. Un éventuel voyage en Italie est incertain, bien que l'influence du Caravage semble évidente dans son oeuvre. Voilà pour les faits, Bien peu de choses, en vérité... et ce silence laisse parler son art, et celui qui écoute se prend à imaginer...
Imaginer... Un plat de Noël, simple, chaleureux, lumineux, à l'image de cette toile.
Simplicité
L'œuvre de Georges de La Tour est traditionnellement séparée en deux types : d'une part les diurnes, ou scènes de jour, souvent des scènes de rue et profanes (rixes de musiciens, diseuse de bonne aventure, ou encore des mangeurs de pois), et d'autre part les nocturnes. Ces dernières mêlent très souvent le profane et le sacré, en transposant des thèmes religieux dans un contexte quotidien et contemporain au peintre, à moins que ce ne soit l'inverse, une sacralisation d'une scène du quotidien.
Ou que le sacré se révèle dans le quotidien.
Il y a dans ce traitement du sujet une influence indéniable du Caravage, dont le caractère profane de ses peintures religieuses lui valut parfois les critiques, voire même le rejet de ses commanditaires (il en est ainsi de La Mort de la Vierge, peinte vers 1601-1606).
Dans cette scène, pas de fioritures ou de décor théâtral. Juste trois personnages (le 3, chiffre de l'équilibre et de la Trinité), représentant trois générations : un nouveau-né, sa mère et une autre femme plus âgée, sans doute la grand-mère. Un cadrage serré, qui nous les rend si proches, comme si nous nous tenions en face d'eux.
La palette chromatique est elle aussi restreinte : des tons dorés, orangé et bruns sur un fond sombre. Et ce blanc, lumineux et central, qui semble émaner du tout-petit, dont les traits sont dépeints avec une finesse calligraphique. Cependant la véritable source de lumière est une simple bougie, cachée derrière la main levée de la femme plus âgée.
Puissance et fragilité de sa flamme, qui présage la puissance et la fragilité de celui qui vient de naître, de la vie, à l'époque où la mortalité infantile est encore très forte.
Puissance et fragilité de sa flamme, qui présage la puissance et la fragilité de celui qui vient de naître, de la vie, à l'époque où la mortalité infantile est encore très forte.
Georges de La Tour, Le Nouveau-né, vers 1648. Huile sur toile, 76 x 91 cm. Musée des Beaux-Arts de Rennes. Saisie révolutionnaire, 1794. |
Douceur
Les formes sont simplifiées, comme adoucies, toutes en courbes et en rondeurs, rendant le visage de la jeune femme délicat comme un madone, rappelant Léonard de Vinci ou Raphaël.
Les teintes sont chaudes, de l'or au brun chaud, en passant par l'orangée de la robe de la jeune femme. Même le blanc semble irradier de chaleur, protégeant le nouveau-né, le réchauffant de l'air que l'on devine frais, un soir d'hiver.
Les regards se tournent avec tendresse vers le nourrisson endormi, l'expression est indéfinissable, un demi-sourire, une pointe de mélancolie, beaucoup d'amour.
Lumière et clair-obscur
Noël est une fête de lumière.
La naissance bien sûr, comme le passage des ténèbres à la lumière. Fiat Lux : et la lumière fut.
Les jours qui s'allongent et les nuits qui reculent peu-à-peu après le solstice d'hiver.
Une nuit étoilée. Une étoile des Bergers.
Les guirlandes scintillantes qui font miroiter les boules du sapin.
Les bougies sur la table, leur chaleur, leur odeur fumée, l'or dont elles parent toute chose, et les ombres qu'elles font vaciller. Leur lueur fait vibrer le réel, fait danser l'immobile.
La flamme éclaire et fait se rapprocher les êtres. Elle clôt le monde. Il y a la bulle lumineuse et chaleureuse, et tout autour, un monde de ténèbres. La limite de son éclairage dresse un mur opaque.
La lueur d'une bougie est artiste, elle sculpte et modèle les formes, elle repeint tout dans des tonalités d'or, d'ambre et de feu. Certes, elle éclaire, mais elle jette dans l'ombre et le mystère tout ce qui est autour et qui se soustrait à sa flamme.
Clair-obscur... chiaroscuro... un terme d'origine italienne associant deux adjectifs antagonistes pour désigner un effet de contrastes produit par la lumière et les ombres des objets représentés. La technique a été mise au point au cours de la 2nde Renaissance (fin XVe et XVIe siècles) en Italie, puis largement perfectionnée par Michelangelo Merisi da Caravaggio, le Caravage. Elle fait de nombreux émules, en Italie et dans les Flandres notamment, avec des artistes dits "caravagesques".
Le clair-obscur de Georges de La Tour est un clair-obscur très doux, très doré, "luministe".
La naissance bien sûr, comme le passage des ténèbres à la lumière. Fiat Lux : et la lumière fut.
Les jours qui s'allongent et les nuits qui reculent peu-à-peu après le solstice d'hiver.
Une nuit étoilée. Une étoile des Bergers.
Les guirlandes scintillantes qui font miroiter les boules du sapin.
Les bougies sur la table, leur chaleur, leur odeur fumée, l'or dont elles parent toute chose, et les ombres qu'elles font vaciller. Leur lueur fait vibrer le réel, fait danser l'immobile.
La flamme éclaire et fait se rapprocher les êtres. Elle clôt le monde. Il y a la bulle lumineuse et chaleureuse, et tout autour, un monde de ténèbres. La limite de son éclairage dresse un mur opaque.
La lueur d'une bougie est artiste, elle sculpte et modèle les formes, elle repeint tout dans des tonalités d'or, d'ambre et de feu. Certes, elle éclaire, mais elle jette dans l'ombre et le mystère tout ce qui est autour et qui se soustrait à sa flamme.
Clair-obscur... chiaroscuro... un terme d'origine italienne associant deux adjectifs antagonistes pour désigner un effet de contrastes produit par la lumière et les ombres des objets représentés. La technique a été mise au point au cours de la 2nde Renaissance (fin XVe et XVIe siècles) en Italie, puis largement perfectionnée par Michelangelo Merisi da Caravaggio, le Caravage. Elle fait de nombreux émules, en Italie et dans les Flandres notamment, avec des artistes dits "caravagesques".
Le clair-obscur de Georges de La Tour est un clair-obscur très doux, très doré, "luministe".
Rôti de Noël aux haricots rouges farci aux châtaignes (sans gluten)
De ce tableau, j'ai donc opté pour un plat simple mais harmonieux, composé d'une trinité végétale aux teintes orangées et brunes :
♦ un rôti de haricots rouges farci aux châtaignes et sa sauce au miso,
♦ une purée mousseline aux carottes et au thym,
♦ une poêlée de châtaignes à l'ail des ours et aux raisins secs.
Ce rôti est en fait une combinaison de deux recettes : le seitan aux haricots rouges de Clea dans son ouvrage Tout sans gluten, pour la base, et le rôti de seitan farci aux châtaignes de Marie Laforêt dans Vegan, pour l'inspiration.
N'ayant jamais cuisine de seitan classique, je ne peux énoncer une quelconque comparaison. Une chose est sûre, cette version est indéniablement savoureuse, et, contrairement à mes expectations, aisée à réaliser (un bon mixeur reste cependant de mise, mais avec une bonne huile de coude, pourquoi pas ?).
Les haricots rouges apportent un petit goût très légèrement sucré et réconfortant... En outre, incorporer des légumes secs à ce plat me semblaient un bel hommage à un autre tableau de Georges de La Tour, Les Mangeurs de pois, peint vers 1620, que j'ai déjà mentionné dans un précédent article, ces "céréales du pauvre", qui méritent davantage de trouver une place à notre table pour leurs richesses nutritionnelles (attention cependant de ne pas en abuser si vous souffrez de troubles intestinaux).
Quant à la mousseline, on ne peut pas faire plus simple : des carottes juste cuites, une pointe de thym, un peu de purée de noix de cajou (ou autre oléagineux), une pincée de sel, de poivre, et c'est tout. Les carottes peuvent très bien être remplacées par de la courge butternut ou du potimarron.
Enfin, des châtaignes poêlées avec un peu d'ail des ours et de sauce tamari, agrémentées d'une poignée de raisins secs. Des champignons et un peu d'échalotes ou d'oignons pourraient s'inviter dans ce mélange brun et doux.
Douceur et chaleur... les deux caractéristiques des aliments appartenant à l'Énergie Terre en Médecine Traditionnelle Chinoise.
L'Énergie Terre, ou l' Énergie de l'intersaison, parfaite donc pour ce passage de l'automne à l'hiver.
L'Énergie Terre est aussi le symbole de la fertilité et la figure même de de la maternité, ce qui nous ramène à Noël, natalis, fête de la naissance.
Haricots rouges, carottes ou courge, noix de cajou, châtaignes... des aliments réconfortants, pleines lunes et demi-lunes...
La châtaigne, enfermée dans sa double enveloppe-cocon.
Le rôti de haricots rouges, enveloppant la farce, emmailloté de film étirable pour un bain au bouillon de légumes... (Oui, je vais très loin dans l'association d'idées...!)
Douceur et lumière, aussi, par le choix d'un plat végétal, parce que Noël est une fête de joie et d'ode à la nature, à la création, dans toutes ses facettes. Une fête de respect et de partage, à la gloire de la vie, de la naissance... comment concevoir dès lors d'inviter mort et cruauté sur la table ?
Fêter Noël, ce peut être juste marcher dans la nature.
Fêter Noël, ce peut être juste être deux, ensemble.
Fêter Noël, ce peut être juste allumer une bougie.
Fêter Noël, ce peut être juste contempler les étoiles.
★✭★ Je vous souhaite à toutes et à tous de très lumineuses fêtes de fin d'année. ★✭★
Pour 4 personnes (environ 12 petites tranches)
Pour le rôti :
80 g de farine de riz complète
40 g de fécule de pommes de terre
13 g de graines de lin moulues
1 càs de flocons de levure (de riz pour une version totalement sans gluten, sinon maltée)
1 cube de bouillon de légumes (dose pour 500 ml d'eau)
1 càs de coulis de tomate
1 càs de tamari
herbes de Provence (1 càc)
paprika (1 pincée)
ail (1/2 càc)
sel et poivre
Pour la farce :
200 g de châtaignes cuites1 échalote
1 càs de tamari
ail des ours (1 càc)
50 ml d'eau
1 càs d'huile d'olive
La sauce :
1 càc de miso blanc1 càc de miso brun (de riz pour ma part)
200 ml d'eau
1 càs de fécule de maïs
poivre
Le rôti :
♦ Préparer un bouillon de légumes en portant à ébullition 500 ml d'eau avec le cube de bouillon. En prélever 65 ml, réserver le reste pour la cuisson finale du rôti.
♦ Mixer tous les ingrédients avec un bon blender, sans oublier les 65 ml de bouillon réservé. Rectifier l'assaisonnement selon les goûts.
En cas d'absence de blender puissant, écraser les haricots rouges à la fourchette. Ajouter le bouillon réservé, le coulis de tomate, la sauce tamari, puis tous les ingrédients secs.
La pâte obtenue doit être modelable et non collante.
♦ Étaler la pâte en rectangle de 1 cm d'épaisseur et d'environ 15 cm de long sur un large film étirable.
La farce :
♦ Ciseler finement l'échalote. La faire revenir dans l'huile d'olive quelques minutes avant d'ajouter les châtaignes grossièrement hachées.
♦ Ajouter l'eau, la sauce tamari et l'ail des ours. Laisser réduire jusqu'à l'évaporation totale.
♦ Porter à ébullition en mélangeant bien avec un fouet jusqu'à épaississement. Ajouter du poivre selon les goûts.
La sauce :
♦ Délayer le miso blanc, le miso brun et la fécule de maïs dans l'eau.♦ Porter à ébullition en mélangeant bien avec un fouet jusqu'à épaississement. Ajouter du poivre selon les goûts.
Assemblage et cuisson :
♦ Répartir la farce au centre, dans la longueur du rectangle de pâte. Refermer le rôti avec soin, en amalgamant bien sur les côtés afin de former un beau boudin.
♦ Enrouler de film étirable et faire rouler sur la table pour bien compacter le tout. Fermer les extrémités à l'aide de ficelle ou de fil à coudre.
♦ Porter à ébullition le bouillon restant, y plonger le rôti avec délicatesse. Recouvrir d'eau au besoin. Laisser cuire à frémissement pendant environ 20 minutes, puis éteindre le feu et laisser encore 10 à 15 minutes.
♦ Retirer délicatement le rôti du film étirable. Napper de sauce chaude et servir immédiatement, avec les accompagnements choisis.
Le rôti peut aussi être placé dans un plat afin d'être maintenu chaud ou réchauffé au four, après nappage de la sauce.
DAVEAU Gilles. Le Manuel de cuisine alternative. Arles : Actes Sud, 2014. 128 pages (Collection Domaine du possible).
LAFORET Marie. Vegan. Paris : La Plage, 2014. 324 pages.
♦ Retirer délicatement le rôti du film étirable. Napper de sauce chaude et servir immédiatement, avec les accompagnements choisis.
Le rôti peut aussi être placé dans un plat afin d'être maintenu chaud ou réchauffé au four, après nappage de la sauce.
Sources
Histoire de l'art
Notes issues de mes cours d'Histoire de l'art
MIGNOT Claude, RABREAU Daniel (dir.). Temps modernes : XVe-XVIIIe siècles. Paris : Flammarion, 2011. 604 pages. (Collection Histoire de l'art Flammarion).
Cuisine
Clea. Tout sans gluten. Paris : La Plage, 2015. 324 pages.
COUDERC Bruno, DAVEAU Gilles, MISCHLICH Danièle, RIO Caroline. Savez-vous goûter... les légumes secs ? Rennes : École des Hautes Études en Santé Publique, 2014. 125 pages. (Collection Savez-vous goûter... ?
DAVEAU Gilles. Le Manuel de cuisine alternative. Arles : Actes Sud, 2014. 128 pages (Collection Domaine du possible).
LAFORET Marie. Vegan. Paris : La Plage, 2014. 324 pages.
Mets mots : Pizza verte aux courgettes, figues et pignons de pin grillés + Ada, d'Antoine Bello
En cette belle journée, je reviens à l'ombre de l'Arbre-en-ciel (qui ne perd jamais ses feuilles, même en hiver) pour inaugurer une nouvelle catégorie d'articles, que j'ai intitulée "Mets Mots".
Mets et mots, car ces articles traiteront à la fois de cuisine et de littérature, ou plus largement de culture. Rien de bien nouveau sous l'Arbre-en-ciel, à ceci près que la forme sera bien plus courte que les autres articles plus narratifs (contes-recettes) ou analytiques (esthétique des livres, recettes picturales).
Vous y trouverez donc :
♦ une recette colorée et végétale qui a réjoui mes papilles
♦ une lecture qui a enchanté mon esprit
Mets mots, mémo, abréviation de mémorandum, petite note que l'on prend pour faciliter le souvenir de quelque chose, du latin memorare, "rappeler, évoquer". Des petits articles comptes-rendus en quelque sorte, pour partager avec vous recettes et lectures, et pour ma part, garder une trace de celles-ci ailleurs que dans mes petits carnets personnels.
Mets...
Pizza verte sans gluten aux courgettes, figues et pignons de pin grillés
Pour 3-4 personnes
La pâte :
- Mélanger 120 g de farine de riz complet, 50 g de farine de pois chiches, 1 càc de poudre à lever sans gluten, 1 pincée de sel, 1 càs d'huile d'olive.
- Ajouter environ 100 ml d'eau tiède afin d'obtenir une pâte souple et de former une boule.
- Étaler sur 3-4 mm sur du papier cuisson.
La sauce verte petits-pois/coco :
- Mélanger 120 g de farine de riz complet, 50 g de farine de pois chiches, 1 càc de poudre à lever sans gluten, 1 pincée de sel, 1 càs d'huile d'olive.
- Ajouter environ 100 ml d'eau tiède afin d'obtenir une pâte souple et de former une boule.
- Étaler sur 3-4 mm sur du papier cuisson.
La sauce verte petits-pois/coco :
- Mixer environ 250/300g de petits pois cuits (frais ou surgelés, éviter les conserves !) avec 50 ml de lait de coco et une pincée de sel.
- Répartir sur le fond de pâte.
La garniture :
- Couper 2 courgettes en fines lamelles, faire de jolies rosaces sur la pizza, en intercalant avec des figues fraîches.
- Parsemer de pignons de pins.
- Cuire 20-30 minutes à 200 °C, et déguster ! (avec une purée de potimarron, pour encore plus de couleurs !)
Cette recette est, comme d'habitude, adaptable à vos goûts culinaires et chromatiques, à la saison et à votre humeur du jour. Voici quelques idées :
Pizze vertes
- une crème de légume vert : brocoli/purée de noix de cajou, courgette/crème de riz (farine précuite pour épaissir un velouté trop aqueux), purée d'épinards, de blettes ou d'orties
- légumes verts au choix pour la garniture : fleurettes de brocolis, petits-pois, choux, courgettes...
- Toppings : graines de courges, herbes au choix
Pizze blanches
- crème végétale toute simple, houmous, purée aux haricots blancs
- légumes ivoire : fenouil, panais, oignons, céleri-rave, chou-fleur, champignons de Paris... ou même des fruits : pommes, poires
- Pignons de pins, noix de cajou, amandes émondées, tofu en dés
Pizze jaunes
- du curcuma dans la pâte
- crème de courges, houmous ou purée de haricots blancs au curcuma, tartinade de lentilles jaunes ou corail
- poivrons et tomates jaunes, pommes de terre, panais, ananas
- Graines de sésame, de lin
Pizze oranges
- purée de courges, de patate douce ou de carottes
- Carottes, courges, patate douce
Pizze rouges
- Sauce tomate
- Tomates, poivrons rouges
- Piment, paprika, tofu rosso en dés, cranberries séchées, baies de goji
Pizze roses/violettes
- jus de betterave à la place de l'eau dans la pâte
- crème de betterave
- betterave, chou-fleur violet, chou rouge
- Cranberries séchées
Mots...
Les branches de l'Arbre-en-ciel vont de plus en plus ployer sous le poids des livres qui viennent se nicher dessus. En effet, je travaille désormais au milieu des livres, à ma plus grande joie, et mon rythme de lecture s'est considérablement intensifié, d'autant plus que nous sommes en pleine "rentrée littéraire".
Phénomène certes très médiatique et un poil réducteur, mais que je vois comme l'occasion de (re)découvrir de nouveaux auteurs et qui agit comme une émulation littéraire pour ma part.
Un coup de cœur ♥ pour aujourd'hui, avec Ada, d'Antoine Bello, paru aux éditions Gallimard.
Après avoir adoré la trilogie Les Falsificateurs/Les Éclaireurs/Les Producteurs du même auteur, j'ai retrouvé avec plaisir la plume vive, érudite et non dénuée d'humour d'Antoine Bello.
Ada, une AI (Intelligence Artificielle), programmée pour écrire un roman à l'eau de rose, a disparu des murs de la société Turing. Frank Logan, un inspecteur de police cinquantenaire au sens de la morale exacerbé, un brin romantico-mélancolique, qui aime plus que tout s'adonner à l'art du haïku (ces petites poèmes japonais extrêmement codifiés), est chargé de la retrouver. Beaucoup de rebondissements, un rythme enlevé, une fin surprenante et intelligente... Magistral !
Et le prochain (ou plutôt l'un des nombreux prochains) de ma pile littéraire : L'Enchanteur de Barjavel ! |
Douce et moelleuse journée à vous (comme cette pâte à pizza !)
Blondie ivoire et gemmes framboises ✨
un jeune homme nommé Nerangol, "le fils du désert". Il vivait en effet au cœur d'une étendue de sable ivoire avec sa mère et son frère aîné. Son malheureux père était mort peu de temps auparavant lors d'une des innombrables batailles qui opposaient le roi du pays de sable aux autres royaumes alentours. Il manquait beaucoup à Nerangol, car il était le seul de sa famille à le considérer comme un être à part entière. Si sa mère adulait son fils aîné, Nerheli, "le fils du soleil", qu'elle voyait brillant comme son astre protecteur, son fils cadet la remplissait de honte et de déception. Elle disait que son esprit était aussi vide que le désert qui l'entourait.
Nerangol avait bien conscience de ses lacunes. Ce que son frère apprenait en un tour de main, il lui fallait des mois sinon des années pour le retenir. À vingt ans passés, il ne savait toujours pas lire, ni écrire, hormis son prénom. Son esprit simple oubliait le passé, n'envisageait pas l'avenir et s'égarait dans le présent. Comme personne ne voulait l'employer, sa mère le chargeait des tâches subalternes de la maison. Il allait chercher de l'eau au puits, balayait le sol, lavait et rangeait le linge, pétrissait la pâte à galettes, apportait le repas à son frère aîné dans sa chambre.
Lorsqu'il avait un peu de répit, il jouait dans le sable ivoire, il y dessinait des formes abstraites à l'aide d'un bâtonnet, en faisait des châteaux de sable bancals avec l'eau souillée qui restait. Il revenait souvent la tunique maculée de taches, penaud face à sa mère qui le vilipendait durement et s'acharnait davantage en lui rajoutant des tâches à accomplir.
Nerangol admirait l'intelligence et la prestance de son frère aîné, qu'il considérait comme l'être le plus sage de l'univers - il faut dire que celui-ci son univers se limitait à son village et à l'oasis d'Ondamil, située à une dizaine de kilomètres - . Ce dernier n'avait cependant aucune considération pour ce jeune frère qui tentait d'imiter tous ses gestes, assez rares en vérité, puisqu'il passait ses journées dans sa chambre à rêvasser d'un destin auréolé de gloire et de richesse, dont il attendait passivement l'avènement.
Or un soir d'été, le puits du village se tarit après de longues semaines de sécheresse. Sa mère vint le voir alors qu'il modelait le sable ivoire. La vision de ce grand gaillard, du sable jusque dans les cheveux, un sourire enfantin aux lèvres, que la chaleur étouffante ne semblait pas perturber outre mesure l'exaspéra tant qu'elle avança vers lui, le cœur plein de rage, piétinant sciemment son chef-d’œuvre sculptural. Nerangol, surpris, leva les yeux vers elle, et lut dans son regard colère et mépris, sans qu'il ne comprît pourquoi. Indifférente à son désarroi, sa mère l'invectiva en ces termes acérés :
"- Ton frère a soif. Va chercher de l'eau à l'oasis d'Ondamil, et ne tarde pas, la nuit tombe."
Elle lui tendit quatre larges outres et lui tourna le dos.
Nerangol connaissait bien le chemin qu'il avait parcouru maintes fois, et le soir apportait un léger souffle de fraîcheur qui faisait virevolter ses vêtements de toile. Il marcha d'un bon pas, jusqu'à ce que les ténèbres s'abattissent sur lui brutalement. Il s'arrêta. Le paysage jusqu'alors si familier s'était mué en une contrée inconnue, teintée de bleu sombre. Mais il devait se hâter, sa mère et son frère l'attendaient. Il reprit sa route sur ce qui lui sembla être une ligne droite. Il marcha, marcha, marcha, des heures durant, et l'oasis n'apparaissait pas. Sa gorge était sèche, son estomac criait famine, et il commençait à avoir froid, lui qui n'avait pas eu la prévoyance d'emporter nourriture et manteau.
Ce fut l'épuisement qui l'arrêta de nouveau parmi les ténèbres.
Il tomba à genoux dans le sable devenu d'encre. Il voulait se reposer, juste quelques instants, mais sa mère allait le gronder s'il tardait, et Nerheli avait soif... oh comme il avait soif ! Il voyait des étoiles scintiller tout autour de lui. C'était très beau. Il s'écroula sur le sol, le sable était doux, encore tiède de la chaleur du jour.
Ce fut le contact d'une main fraîche sur son épaule qui le réveilla. Il faisait encore nuit, mais la ronde des étoiles s'était calmée, elles avaient repris leur place dans le ciel.
Devant lui se tenait une jeune fille à la peau opaline, qui semblait irradier de lumière. Elle était assise en tailleur dans le sable, le dos bien droit, un léger sourire aux lèvres. Sa mère lui interdisait de parler aux gens, a fortiori aux inconnus, car elle lui disait que ses paroles étaient dangereuses, il ne savait pas mentir, et elle ne voulait pas qu'il la ridiculise. Il se tut donc et attendit que la jeune fille parle la première.
"- Que fais-tu ici, fils du désert, seul dans la nuit ?"
Sa voix était musique. Ce devait être une fée. Une fée du désert.
"- Je vais chercher de l'eau à l'oasis pour Nerheli qui a soif. Je connais bien la route, je suis parti, mais...
- Mais la nuit est tombée et tu t'es perdu."
Nerangol baissa la tête.
"- Mère va me gronder si je tarde trop."
Une ombre passa dans ses yeux, vite chassée par un large sourire confiant :
"- Mais vous allez m'aider, puisque vous êtes une fée !"
La jeune fille rit doucement.
"- Disons cela, oui... je suis une fée. Alors, fils du désert, que désires-tu ?
- J'ai soif, et faim. Et j'ai froid, un peu, aussi."
Elle remplit une bouteille - apparue miraculeusement - avec du sable, qu'elle ferma et secoua vigoureusement. Le sable devint liquide doré, dont elle tendit un verre à Nerangol.
"- Bois, et tu n'auras plus soif."
Il but à petite gorgée le nectar frais et parfumé qui étancha sa soif mieux que de l'eau.
Puis la jeune fille versa sur le sable un flacon de liquide scintillant, mélangea le tout, forma une boule de pâte qu'elle étala, souffla dessus, avant de la couper en larges parts dont elle lui tendit la plus généreuse.
"- Mange, et tu n'auras plus faim."
Nerangol mangea le gâteau de sable ivoire avec gourmandise. Il avait un goût de perle-étoile sucrée.
Enfin elle fit voler du sable dans l'air, il en retomba une étoffe légère comme un voile mais chaude comme la laine, dont elle enveloppa les épaules de Nerangol.
"- Ainsi tu n'auras plus froid.
- Oh, merci. " D'un bond le jeune homme s'était levé et avait enlacé la jeune fille fée. Lorsqu'il desserra son étreinte, elle le regardait avec attendrissement et, peut-être, une pointe de mélancolie, là, au fond de ses yeux gris.
"- Ne désires-tu pas autre chose, fils du désert ?
- Oh si, je voudrais rentrer chez moi avec de l'eau, comme ça mère sera fière de moi.
- Le jour va bientôt se lever, je vais te ramener chez toi. Tes outres sont déjà pleines. Mais je ne peux te dire si ta mère s'en réjouira."
Et sur ces mots, elle le prit par la main. Ses outres lui pesaient sur le dos, mais le trajet fut bref : ils firent juste quelques pas, deux à droite, trois en avant, cinq à gauche.
"- Te voilà chez toi, fils du désert. Je dois maintenant te quitter." Déjà sa lumière déclinait, tandis que le ciel s'éclaircissait.
Nerangol lui prit le bras.
"- Attends, attends... ! Peux-tu me rendre intelligent s'il te plaît, pour que mère soit fière de moi, et que mon frère me parle comme à un quelqu'un, et que je puisse parler aux autres, et même, avoir des amis... ?
- Cela, malheureusement, je ne puis te le donner. Et même si je le pouvais, je ne suis pas sûre que ta vie serait plus douce. Jadis, j'ai connu quelqu'un comme toi, et... Non. Mais je vais te faire un dernier cadeau, puisque je n'ai de pouvoir que sur les choses matérielles. Comme je t'ai apporté nourriture et réconfort, tu apporteras nourriture et réconfort aux autres. Entre tes doigts, la sable deviendra gâteau lorsque tu le modèleras, et les cailloux des baies sucrées et parfumées. Vas-y, verse de l'eau sur le sol, plonge tes mains dans le désert, pétris-le et mange."
Nerangol arrosa le sable, enfonça ses mains comme dans du limon, malaxa la pâte couleur ivoire et en porta un morceau à sa bouche. Il avait le goût d'un gâteau fondant et rassasiant, où les petits cailloux rosés s'étaient transformés en pépites fruitées.
Il leva ses yeux pleins de gratitude, mais la fille fée était déjà partie.
"- Au revoir, et merci, merci, merci !" cria-t-il pour qu'elle l'entende, pensant qu'elle ne devait pas être bien loin.
Il rentra chez lui, le cœur empli de joie et de fierté, ses quatre outres pansues sur son dos, son gâteau de sable à la main.
Sa mère le reçut sans effusion aucune, comme s'il n'avait pas passé la nuit dehors. Il déposa son fardeau à ses pieds et lui tendit son gâteau doré.
"- Qui t'a donné ce gâteau ?" demanda la mère, méfiante.
"- C'est moi qui l'ai fait. J'ai versé de l'eau, j'ai pétri le sable et le gâteau était prêt.
- Tu mens, Nerangol. On ne peut pas faire un si beau gâteau avec du sable. Quelqu'un te l'as donné, et tu as inventé cette histoire pour faire ton intéressant."
Les yeux de Nerangol s'emplirent de larmes.
"- Non, non, non ! J'ai rencontré une fée dans le désert. Elle m'a donné à boire et à manger, mais elle ne pouvait pas me rendre intelligent, alors elle m'a dit de jouer avec le sable pour faire des gâteaux.
- Tu racontes n'import quoi. Une femme a eu pitié de toi, et elle t'a offert ce gâteau, voilà tout. Retourne donc pétrir la pâte à galettes.
Jusqu'au soir, Nerangol s'attela à ses tâches quotidiennes pour satisfaire sa mère. Alors qu'il balayait le sol, son frère aîné se planta devant lui.
"- Alors, il paraît que tu es devenu cuisinier ?
- Oui," répondit Nerangol en se redressant, " je fais des gâteaux avec le sable.
- Montre-moi donc tes talents, j'ai hâte de goûter à ce chef-d’œuvre culinaire, si du moins j'arrive à le digérer." le somma Nerheli avec une pointe de sarcasme.
Tout heureux, Nerangol l'emmena dehors, versa un peu de l'eau du linge sur le sol, pétrit la pâte sous les yeux moqueurs puis écarquillés de son frère. Dans ses doigts, le sable mouillé était devenu une pâte à gâteau, qui avait cuit au soleil en quelques secondes. Nerangol lui offrit une part qui était chaude comme si elle sortait du four. Nerheli mangea sans mot dire. Ses yeux rencontrèrent les prunelles lumineuses de Nerangol un court instant, puis ce dernier lui tourna le dos et s'en alla.
C'est ainsi que que commença la nouvelle vie de Nerangol le Fils du Désert. Chaque matin, il prenait place près du puits et offrait aux voyageurs le réconfort de son gâteau de sable et de son oreille attentive. Le reste du temps, il construisait d'immenses châteaux de sable labyrinthiques qui ravissaient les enfants. Sa générosité et don sourire conquirent tous ceux qui le rencontraient. On lui proposait repas et hébergement avec respect et attendrissement, et jamais plus il ne retourna vivre chez sa mère et son frère, qui attendait toujours - et vainement - que le bonheur se manifestât devant lui.
"- Ton frère a soif. Va chercher de l'eau à l'oasis d'Ondamil, et ne tarde pas, la nuit tombe."
Elle lui tendit quatre larges outres et lui tourna le dos.
Nerangol connaissait bien le chemin qu'il avait parcouru maintes fois, et le soir apportait un léger souffle de fraîcheur qui faisait virevolter ses vêtements de toile. Il marcha d'un bon pas, jusqu'à ce que les ténèbres s'abattissent sur lui brutalement. Il s'arrêta. Le paysage jusqu'alors si familier s'était mué en une contrée inconnue, teintée de bleu sombre. Mais il devait se hâter, sa mère et son frère l'attendaient. Il reprit sa route sur ce qui lui sembla être une ligne droite. Il marcha, marcha, marcha, des heures durant, et l'oasis n'apparaissait pas. Sa gorge était sèche, son estomac criait famine, et il commençait à avoir froid, lui qui n'avait pas eu la prévoyance d'emporter nourriture et manteau.
Ce fut l'épuisement qui l'arrêta de nouveau parmi les ténèbres.
Il tomba à genoux dans le sable devenu d'encre. Il voulait se reposer, juste quelques instants, mais sa mère allait le gronder s'il tardait, et Nerheli avait soif... oh comme il avait soif ! Il voyait des étoiles scintiller tout autour de lui. C'était très beau. Il s'écroula sur le sol, le sable était doux, encore tiède de la chaleur du jour.
Ce fut le contact d'une main fraîche sur son épaule qui le réveilla. Il faisait encore nuit, mais la ronde des étoiles s'était calmée, elles avaient repris leur place dans le ciel.
Devant lui se tenait une jeune fille à la peau opaline, qui semblait irradier de lumière. Elle était assise en tailleur dans le sable, le dos bien droit, un léger sourire aux lèvres. Sa mère lui interdisait de parler aux gens, a fortiori aux inconnus, car elle lui disait que ses paroles étaient dangereuses, il ne savait pas mentir, et elle ne voulait pas qu'il la ridiculise. Il se tut donc et attendit que la jeune fille parle la première.
"- Que fais-tu ici, fils du désert, seul dans la nuit ?"
Sa voix était musique. Ce devait être une fée. Une fée du désert.
"- Je vais chercher de l'eau à l'oasis pour Nerheli qui a soif. Je connais bien la route, je suis parti, mais...
- Mais la nuit est tombée et tu t'es perdu."
Nerangol baissa la tête.
"- Mère va me gronder si je tarde trop."
Une ombre passa dans ses yeux, vite chassée par un large sourire confiant :
"- Mais vous allez m'aider, puisque vous êtes une fée !"
La jeune fille rit doucement.
"- Disons cela, oui... je suis une fée. Alors, fils du désert, que désires-tu ?
- J'ai soif, et faim. Et j'ai froid, un peu, aussi."
Elle remplit une bouteille - apparue miraculeusement - avec du sable, qu'elle ferma et secoua vigoureusement. Le sable devint liquide doré, dont elle tendit un verre à Nerangol.
"- Bois, et tu n'auras plus soif."
Il but à petite gorgée le nectar frais et parfumé qui étancha sa soif mieux que de l'eau.
Puis la jeune fille versa sur le sable un flacon de liquide scintillant, mélangea le tout, forma une boule de pâte qu'elle étala, souffla dessus, avant de la couper en larges parts dont elle lui tendit la plus généreuse.
"- Mange, et tu n'auras plus faim."
Nerangol mangea le gâteau de sable ivoire avec gourmandise. Il avait un goût de perle-étoile sucrée.
Enfin elle fit voler du sable dans l'air, il en retomba une étoffe légère comme un voile mais chaude comme la laine, dont elle enveloppa les épaules de Nerangol.
"- Ainsi tu n'auras plus froid.
- Oh, merci. " D'un bond le jeune homme s'était levé et avait enlacé la jeune fille fée. Lorsqu'il desserra son étreinte, elle le regardait avec attendrissement et, peut-être, une pointe de mélancolie, là, au fond de ses yeux gris.
"- Ne désires-tu pas autre chose, fils du désert ?
- Oh si, je voudrais rentrer chez moi avec de l'eau, comme ça mère sera fière de moi.
- Le jour va bientôt se lever, je vais te ramener chez toi. Tes outres sont déjà pleines. Mais je ne peux te dire si ta mère s'en réjouira."
Et sur ces mots, elle le prit par la main. Ses outres lui pesaient sur le dos, mais le trajet fut bref : ils firent juste quelques pas, deux à droite, trois en avant, cinq à gauche.
"- Te voilà chez toi, fils du désert. Je dois maintenant te quitter." Déjà sa lumière déclinait, tandis que le ciel s'éclaircissait.
Nerangol lui prit le bras.
"- Attends, attends... ! Peux-tu me rendre intelligent s'il te plaît, pour que mère soit fière de moi, et que mon frère me parle comme à un quelqu'un, et que je puisse parler aux autres, et même, avoir des amis... ?
- Cela, malheureusement, je ne puis te le donner. Et même si je le pouvais, je ne suis pas sûre que ta vie serait plus douce. Jadis, j'ai connu quelqu'un comme toi, et... Non. Mais je vais te faire un dernier cadeau, puisque je n'ai de pouvoir que sur les choses matérielles. Comme je t'ai apporté nourriture et réconfort, tu apporteras nourriture et réconfort aux autres. Entre tes doigts, la sable deviendra gâteau lorsque tu le modèleras, et les cailloux des baies sucrées et parfumées. Vas-y, verse de l'eau sur le sol, plonge tes mains dans le désert, pétris-le et mange."
Nerangol arrosa le sable, enfonça ses mains comme dans du limon, malaxa la pâte couleur ivoire et en porta un morceau à sa bouche. Il avait le goût d'un gâteau fondant et rassasiant, où les petits cailloux rosés s'étaient transformés en pépites fruitées.
Il leva ses yeux pleins de gratitude, mais la fille fée était déjà partie.
"- Au revoir, et merci, merci, merci !" cria-t-il pour qu'elle l'entende, pensant qu'elle ne devait pas être bien loin.
Il rentra chez lui, le cœur empli de joie et de fierté, ses quatre outres pansues sur son dos, son gâteau de sable à la main.
Sa mère le reçut sans effusion aucune, comme s'il n'avait pas passé la nuit dehors. Il déposa son fardeau à ses pieds et lui tendit son gâteau doré.
"- Qui t'a donné ce gâteau ?" demanda la mère, méfiante.
"- C'est moi qui l'ai fait. J'ai versé de l'eau, j'ai pétri le sable et le gâteau était prêt.
- Tu mens, Nerangol. On ne peut pas faire un si beau gâteau avec du sable. Quelqu'un te l'as donné, et tu as inventé cette histoire pour faire ton intéressant."
Les yeux de Nerangol s'emplirent de larmes.
"- Non, non, non ! J'ai rencontré une fée dans le désert. Elle m'a donné à boire et à manger, mais elle ne pouvait pas me rendre intelligent, alors elle m'a dit de jouer avec le sable pour faire des gâteaux.
- Tu racontes n'import quoi. Une femme a eu pitié de toi, et elle t'a offert ce gâteau, voilà tout. Retourne donc pétrir la pâte à galettes.
Jusqu'au soir, Nerangol s'attela à ses tâches quotidiennes pour satisfaire sa mère. Alors qu'il balayait le sol, son frère aîné se planta devant lui.
"- Alors, il paraît que tu es devenu cuisinier ?
- Oui," répondit Nerangol en se redressant, " je fais des gâteaux avec le sable.
- Montre-moi donc tes talents, j'ai hâte de goûter à ce chef-d’œuvre culinaire, si du moins j'arrive à le digérer." le somma Nerheli avec une pointe de sarcasme.
Tout heureux, Nerangol l'emmena dehors, versa un peu de l'eau du linge sur le sol, pétrit la pâte sous les yeux moqueurs puis écarquillés de son frère. Dans ses doigts, le sable mouillé était devenu une pâte à gâteau, qui avait cuit au soleil en quelques secondes. Nerangol lui offrit une part qui était chaude comme si elle sortait du four. Nerheli mangea sans mot dire. Ses yeux rencontrèrent les prunelles lumineuses de Nerangol un court instant, puis ce dernier lui tourna le dos et s'en alla.
C'est ainsi que que commença la nouvelle vie de Nerangol le Fils du Désert. Chaque matin, il prenait place près du puits et offrait aux voyageurs le réconfort de son gâteau de sable et de son oreille attentive. Le reste du temps, il construisait d'immenses châteaux de sable labyrinthiques qui ravissaient les enfants. Sa générosité et don sourire conquirent tous ceux qui le rencontraient. On lui proposait repas et hébergement avec respect et attendrissement, et jamais plus il ne retourna vivre chez sa mère et son frère, qui attendait toujours - et vainement - que le bonheur se manifestât devant lui.
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Il est paradoxal que dans notre société qui prône la tolérance, on enferme, on isole des êtres humains dans des instituts dits "spécialisés".
Malgré les mesures nationales pour l'intégration des personnes handicapées, concernant essentiellement le handicap physique (accessibilité des lieux, de l'information, obligation d'emploi des personnes handicapées...) et les nombreuses campagnes de sensibilisation, le handicap, a fortiori mental fait de moins en moins partie de notre quotidien. On le cache, on le dissimule à notre regard, à notre gêne, à notre pitié, à notre crainte. Et ce faisant le risque est non seulement de l'oublier, d'oublier ces personnes, mais aussi de nourrir notre peur de l'Autre, de cet étranger. La peur est le fruit de l'ignorance.
Aujourd'hui, on "place" ces personnes dans des foyers médicalisés, véritable garderie pour simples d'esprit non productifs, non rentables, en plus de ne pas être de gros consommateurs.
À 21 ans, déjà à la retraite. Un emploi du temps se résumant à une, voire deux "occupations" par jour. Sans parler des repas inadaptés, malgré les récentes recherches sur les bienfaits d'une alimentation sans gluten ni caséine dans le cas des personnes autistes, ni de la surmédicalisation.
Pourquoi n'existe-t-il pas en France des structures mêlant véritablement les personnes handicapées et non-handicapées, et ce, quel que soit leur handicap ? L'intégration scolaire n'en est encore qu'à ses balbutiements, et nécessite des adaptations matérielles et professionnelles (dans l'idéal, un éducateur pour un jeune, en renfort du professeur). Et cela devient encore plus complexe à l'âge adulte... Les ESAT, ou Établissements et Service d'Aide par le Travail, s'ils visent effectivement l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées, ne sont réservées qu'à ces dernières, et encore faut-il qu'elles répondent à certains critères d'aptitude au travail.
Je souffre à l'idée de penser que c'est là leur destin, son destin. Rester enfermer à s'occuper avant de finir à l'espace médicalisé, avec quelques sorties dans le "monde" hebdomadaires, puis mensuelles, puis annuelles. Alors que je sais, que je sens, sue lui aussi possède une étincelle en lui, la même que la mienne. Lui aussi a quelque chose à accomplir sur Terre.
Ma vision du monde n'est pas meilleure que la sienne, ce n'est pas parce que j'ai les mots, que j'ai accès à une multitude d'informations - qui ne sont pas les faits - , que j'en sais plus que lui, que j'ai moi, le droit de participer à la "vie active", que j'ai la chance d'échanger, de rencontrer d'autres personnes, de découvrir de belles choses visuelles, gustatives, musicales, littéraires, artistiques...
Mais pour qu'il puisse accomplir cette Légende Personnelle, il faudrait déjà qu'il ne soit pas enfermé dans un institut, dans une case. J'ai eu les larmes aux yeux en lisant les dernières pages des Fleurs pour Algernon, la description de l'Asile Warren, ce "non-lieu" où règne à la fois le désespoir et la douceur. Et puis j'ai enchaîné avec deux récits où soufflait le vent du désert et un autre souffle divin : La Nuit de feu, d'Éric-Emmanuel Schmidt, et L'Alchimiste, de Paulo Coelho.
De là est née cette histoire, l'histoire de Nerangol, le fils du désert, qui lui, accomplit sa Légende Personnelle, tandis que son frère l'enterre dans son cœur par lassitude, par paresse ou par orgueil. Accomplir sa Légende Personnelle, ce n'est pas créer l'Inédit, c'est être créateur.
N'ayons pas la prétention de croire qu'enfermer des êtres "différents" est nécessaire et bénéfique pour leur protection, leur confort, pour notre protection, pour notre confort.
Je sais bien que cette pensée relève de l'utopie dans une société où le maître mot est la productivité et non la solidarité. Il est vain d'attendre que la nouveauté vienne d'en-haut (mais ici-bas). Je me battrai pour qu'il est une place, sa place, sur Terre, parmi nous, avec nous.
Pourquoi n'existe-t-il pas en France des structures mêlant véritablement les personnes handicapées et non-handicapées, et ce, quel que soit leur handicap ? L'intégration scolaire n'en est encore qu'à ses balbutiements, et nécessite des adaptations matérielles et professionnelles (dans l'idéal, un éducateur pour un jeune, en renfort du professeur). Et cela devient encore plus complexe à l'âge adulte... Les ESAT, ou Établissements et Service d'Aide par le Travail, s'ils visent effectivement l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées, ne sont réservées qu'à ces dernières, et encore faut-il qu'elles répondent à certains critères d'aptitude au travail.
Je souffre à l'idée de penser que c'est là leur destin, son destin. Rester enfermer à s'occuper avant de finir à l'espace médicalisé, avec quelques sorties dans le "monde" hebdomadaires, puis mensuelles, puis annuelles. Alors que je sais, que je sens, sue lui aussi possède une étincelle en lui, la même que la mienne. Lui aussi a quelque chose à accomplir sur Terre.
Ma vision du monde n'est pas meilleure que la sienne, ce n'est pas parce que j'ai les mots, que j'ai accès à une multitude d'informations - qui ne sont pas les faits - , que j'en sais plus que lui, que j'ai moi, le droit de participer à la "vie active", que j'ai la chance d'échanger, de rencontrer d'autres personnes, de découvrir de belles choses visuelles, gustatives, musicales, littéraires, artistiques...
"Chacun de nous, dans sa prime jeunesse, sait quelle est sa Légende Personnelle.
À cette époque de la vie, tout est clair, tout est possible, et l'on n'a pas peur de rêver et de souhaiter tout ce qu'on aimerait faire de sa vie. Cependant, à mesure que le temps s'écoule, une force mystérieuse commence à essayer de prouver qu'il est impossible de réaliser sa Légende Personnelle."
COELHO Paulo, L'Alchimiste, Paris : J'ai lu, 2010, p. 43.
"[...] qui que tu sois et quoi que tu fasses, lorsque tu veux vraiment quelque chose, c'est que ce désir est né dans l'Âme de l'Univers. C'est ta mission sur Terre."
Id., p. 44.
Mais pour qu'il puisse accomplir cette Légende Personnelle, il faudrait déjà qu'il ne soit pas enfermé dans un institut, dans une case. J'ai eu les larmes aux yeux en lisant les dernières pages des Fleurs pour Algernon, la description de l'Asile Warren, ce "non-lieu" où règne à la fois le désespoir et la douceur. Et puis j'ai enchaîné avec deux récits où soufflait le vent du désert et un autre souffle divin : La Nuit de feu, d'Éric-Emmanuel Schmidt, et L'Alchimiste, de Paulo Coelho.
De là est née cette histoire, l'histoire de Nerangol, le fils du désert, qui lui, accomplit sa Légende Personnelle, tandis que son frère l'enterre dans son cœur par lassitude, par paresse ou par orgueil. Accomplir sa Légende Personnelle, ce n'est pas créer l'Inédit, c'est être créateur.
N'ayons pas la prétention de croire qu'enfermer des êtres "différents" est nécessaire et bénéfique pour leur protection, leur confort, pour notre protection, pour notre confort.
Je sais bien que cette pensée relève de l'utopie dans une société où le maître mot est la productivité et non la solidarité. Il est vain d'attendre que la nouveauté vienne d'en-haut (mais ici-bas). Je me battrai pour qu'il est une place, sa place, sur Terre, parmi nous, avec nous.
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Pour 4 à 6 personnes :
300 g de haricots blancs cuits (environ 120 g crus)
75 ml de lait de riz/coco (ou autre lait végétal + 1 càc de beurre de coco)
75 g de farine de riz
1 càs d'huile de coco (environ 20 ml)
1 càs de purée d'oléagineux au choix (noix de cajou, cacahuète...)
30 à 50 g de sucre de fleur de coco
1 càs de grains de vanille
1 pincée de bicarbonate de soude alimentaire
1 pincée de sel (sauf si les haricots blancs étaient en conserve)
1 poignée de gemmes au choix : framboises ou autres fruits rouges ou bleus, pépites de chocolat, fruits secs, oléagineux...
Si vous prenez le temps de cuire vous-mêmes vos haricots blancs, voici le procédé à suivre :
♦ Faire tremper 120 g de haricots blancs dans de l'eau pendant une nuit.
♦ Le lendemain, égoutter et rincer les haricots blancs avant de les faire cuire 45 minutes à 1 heure, selon la variété choisie, avec un morceau d'algue kombu (par ses propriétés émollientes, elle amollit la peau des légumineuses et les rend ainsi plus digestes).
Personnellement, je fais toujours cuire une quantité assez conséquente de légumes secs. Cuits, ils se conservent 5 jours au réfrigérateur, et plusieurs mois au congélateur.
♦ Préchauffer le four à 200°C.
♦ Mixer les haricots blancs cuits, le lait végétal, l'huile de coco, la purée d'oléagineux.
♦ Dans un saladier, mélanger la farine de riz, le sucre, la vanille, le bicarbonate de soude (et le sel si les haricots blancs n'étaient pas en conserve). Verser ensuite le mélange nacré de haricots blancs, bien amalgamer le tout.
♦ Ajouter les gemmes/pépites choisies, et les incorporer avec délicatesse dans la préparation.
♦ Verser dans un petit moule à cake ou carré, préalablement huilé.
♦ Cuire environ 15 à 20 minutes en surveillant bien. La surface soit se craqueler sans trop dorer.
♦ Laisser tiédir avant de déguster, tiède avec une boule de glace, ou frais à l'heure du thé.
Version nature, avec une glace maison banane-framboise |
Notes
Vous pouvez utiliser n'importe laquelle des nombreuses variétés de haricots blancs, du lingot au coco, en passant par la mogette de Vendée. Par contre, je ne peux que vous conseiller de prendre le temps de les cuire vous-mêmes, quitte à en congeler une partie pour en avoir toujours sous la main. Toutefois, les haricots secs en conserve restent une bonne alternative (s'ils ne sont pas salés ou trop cuits). Pour les avoir testées de nombreuses fois, ma préférence va aux mogettes de Vendée cuites maison, car leur peau est très fine et leur chair très dense (et qu'en plus elles viennent d'à peine quelques kilomètres de chez moi !). Mais j'apprécie aussi les petits cocos de Paimpol ♥.En poussant la créativité un peu plus loin, on peut aussi remplacer les haricots blancs par n'importe quel autre légume sec. J'ai déjà vu des recettes de blondies à base de pois chiches, par exemple. Une version violette aux haricots rouges est elle aussi prometteuse.
Quelques idées d'associations gourmandes
Version douce et fruitée (la version ci-dessus) :
Gemmes roses (framboises, fraises, cranberries séchées...), violacées (mûres) ou bleues (myrtilles) + lait de riz-coco + purée de noix de cajou + vanille
Version cookie
Pépites de chocolat + lait d'amande + purée de cacahuète + vanille
Version cookie tout choco
Pépites de chocolat + lait d'amande + purée de cacahuète + vanille + poudre de cacao (1 càs)
Version brownie
Noix, noisettes et/ou amandes concassées ou entières + lait d'amande + vanille + poudre de cacao (1 càs)
Version violette
Gemmes violettes ou bleues (mûres, myrtilles) + lait de riz-coco + purée de noix de cajou + vanille + poudre d'açai (1 càc)
On peut aussi remplacer les haricots blancs par des haricots rouges, et 25 g de farine de riz par 25 g de farine de maïs mauve.
Version jaune soleil
Perles dorées (fruits frais jaunes comme les nectarines ou pêches jaunes, les mirabelles, l'ananas, la mangue... ou secs comme les raisins blonds, la mangue séchée) + lait de riz-coco + purée de noix de cajou ou d'amande + vanille + curcuma
Version amandine
Amandes entières ou concassées + lait d'amande + purée d'amande + vanille
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Esthétique des livres : Des Fleurs pour Algernon - Petits pains doux aux fleurs de sureau 📖
Une nouvelle esthétique des livres, un nouveau voyage sensoriel dans les pages...
Cette fois-ci, un livre un peu particulier, que j'ai emprunté dans la médiathèque où je travaille, attirée par le petit cœur rouge dans le coin supérieur droit de la couverture ♥, signe que quelqu'un, avant moi, avait aimé ces pages, au point qu'il désirait les partager avec d'autres.
Sur la couverture au fond gris noir filigrané de symboles dorés, une souris blanche à la queue rose. Collection Science-Fiction. Je m'imagine une souris de laboratoire, des expériences scientifiques futuristes, du sombre et du métallique.
Le résumé confirme en partie cette intuition : un homme sert de cobaye vivant à une opération visant à augmenter son intelligence.
J'ouvre le livre, feuillette quelques pages, lit les premières pages... et tombe sous le charme de Charlie Gordon, de sa douceur enfantine. Dès les premiers mots, ses propos me touchent, et je me doute que cette histoire n'est pas un énième roman de science-fiction pessimiste décrivant une lugubre société moderniste dominée par de terrifiantes machines.
C'est bien plus que cela... c'est à la fois un journal, un conte et un essai philosophique.
Certes, du tragique, des larmes, mais une douce amertume, et même, de la tendresse.
Alors plongeons-nous dans ces pages, humons-les, goûtons-les.
Pour les citations, je me réfère à l'édition suivante : KEYES Daniel. Des Fleurs pour Algernon. Paris : J'ai lu, 2011 (édition augmentée). 544 pages. (Collection SF).
L'ouvrage se compose de trois parties : le roman (occupant la moitié du livre environ), un essai autobiographique intitulé "Algernon, Charlie et moi", et enfin la nouvelle originale (une dizaine de pages).
📖
En quelques mots...
Charlie Gordon est un homme-enfant de 32 ans, doux et enthousiaste, qui rêve de devenir intelligent "pour avoir des tas d'amis" et remplir de fierté sa famille qui l'a jadis rejeté. Grâce à sa seule volonté, et malgré son faible QI ne dépassant pas 70, il se bat pour devenir chaque jour plus autonome, en travaillant au sein d'une boulangerie, et surtout en prenant des cours au Collège Beekman pour adultes attardés avec sa professeure Mlle Kinnian. Sa motivation est telle qu'il est sélectionné pour bénéficier d'une opération inédite, jusqu'alors uniquement testée sur les animaux, et destinée à tripler son QI.
Il est chargé de consigner ses impressions dans des comptes-rendus afin que les scientifiques suivent son évolution intellectuelle. Le récit prend ainsi la forme d'un journal rédigé à la première personne, et où est rendue perceptible la fulgurante progression de Charlie, les premiers "conte randu" cousus de fautes et dénués de ponctuation laissant peu à peu place à des phrases complexes, à des réflexions philosophiques, mais aussi à des préoccupations personnelles et sentimentales.
Mais alors que son QI ne cesse d'augmenter, entraînant tout à la fois satisfaction et désillusion, la souris prénommée Algernon, ayant elle aussi vu son intelligence décuplée, et pour qui il s'est pris d'affection, commence à se comporter de façon étrange.
Il s'agit à l'origine d'une nouvelle, parue pour la première fois en avril 1959 dans The Magazine of Fantasy and Science-Fiction n°95, et qui a remporté le prix Hugo de la meilleure nouvelle courte l'année suivante. Je l'ai lu juste après avoir achevé le roman, car elle se trouvait en troisième partie de l'édition augmentée que je tenais dans les mains.
Pour ma part, j'ai préféré le roman, peut-être parce que je l'ai lu en premier (effet surprise de l'inédit), mais surtout parce que j'ai apprécié le développement de certaines actions ou réflexions, notamment sur la relation de Charlie avec sa famille, avec Alice, avec ses collègues de travail (une boulangerie dans le roman - qui m'a d'ailleurs inspirée la recette qui suit - contre une Compagnie de boîtes en plastique dans la nouvelle). De fait, le temps du récit est plus long de quatre mois dans le roman (du 3 mars au 21 novembre dans ce dernier, soit 9 mois, contre environ 5 mois dans la nouvelle, du 5 mars au 28 juillet). Charlie est aussi un peu plus jeune, 32 ans au lieu de 37 dans la nouvelle.
Suite à la nouvelle, j'ai enchaîné avec la lecture de la deuxième partie de l'édition augmentée, un essai biographique intitulée "Algernon, Charlie et moi". Une lecture intéressante, n'apportant cependant pas d'explications sur le récit, par choix de l'auteur, mais racontant plutôt la genèse, l'écriture et les prolongements de l'histoire. En effet, celle-ci a fait l'objet de nombreuses adaptations, en série télévisée (The Two Worlds of Charly Gordon, 1961, Des Fleurs pour Algernon, réalisé par David Delrieux en 2006), puis en film (Charly, réalisé par Ralph Nelson en 1968), en comédie musicale et au théâtre.
📖
Le profil de l'auteur
Dans les faits, Daniel Keyes est un écrivain américain (1927-2014), qui a été médecin dans la marine marchande, chercheur universitaire en psychologie, éditeur et scénariste de comics chez Marvel, professeur d'anglais, de littérature américaine et d'écriture à l'université de l'Ohio.
Dans les pages, l'auteur pourrait être qualifié de "psychologue-humaniste-mélancolique".
Dans les pages, l'auteur pourrait être qualifié de "psychologue-humaniste-mélancolique".
Psychologue, car il s'attache à décrire la personnalité de Charlie, à disséquer sa conscience (réflexions, préoccupations...) et à tenter de percer son subconscient (notamment par la description de ses rêves, de ses expériences métaphysiques, ses actes spontanés...), dans une démarche introspective et réflexive. En effet, avant d'être écrivain, l'américain Daniel Keyes (1927-2014) a lui-même effectué des études de psychologie, dont l'influence est prégnante dans ses œuvres.
Le roman Des Fleurs pour Algernon, et la nouvelle avant lui, revêt ainsi la forme de comptes-rendus rédigés par le héros, Charlie Gordon, à destination d'un psychiatre, le docteur Strauss et du professeur en neurobiologie, le professeur Nemur. L'accent est donc mis sur la psychologie de Charlie, qui doit passer des tests de la personnalité (les taches d'encre de Rorschach, par exemple), suivre des séances de psychanalyse et rédiger quotidiennement et scrupuleusement ses impressions.
Un autre de ses ouvrages, Les Mille et une vies de Billy Mulligan (publié en 1981 aux États-Unis, en 1982 en France), suivi des Mille et unes guerres de Billy Mulligan (interdit à la publication aux États-Unis, publié en France en 2009), relève quant à lui du thriller psychologique. En effet, il dépeint le phénomène des personnalités multiples chez un homme, Billy Mulligan, ayant véritablement existé, après de longs mois de rencontres et d'échanges avec ce dernier... et ses 24 personnalités.
Humaniste, car l'être humain est placé au centre du récit. Charlie Gordon est comme un point d'ancrage autour duquel gravitent hommes, êtres et choses, et c'est par lui que l'auteur questionne les relations à l'Autre, principalement ses relations avec les autres humains (bien que la relation avec la souris Algernon soit aussi abordée). Ce point de vue unique et subjectif est donc lacunaire (on ne sait pas comment "l'autre" voit Charlie), mais aussi extrêmement riche car permettant d'explorer toute l'ambiguïté du personnage, entre l'ancien et le nouveau Charlie, l'enfant et l'adulte...
Quant aux autres personnages, ils sont aussi décrits dans toute leur complexité : il n'y a pas de véritables "méchants", ni de parfaits anges. Les collègues de Charlie, par exemple, se moquent de lui à ses dépens au début de l'histoire, le détestent ensuite lors de sa fulgurante ascension intellectuelle, puis finissent par s'attacher à lui et à le défendre, montrant un tout autre visage, de l'empathie. Cette dimension empathique (du grec ancien ἐν, "dans, à l'intérieur" et πάθoς, "ce qui est éprouvé"), cette compassion (du latin compassio "souffrir avec, ressentir avec") est omniprésente dans ce livre, sans basculer cependant vers de la pitié. La fin m'a terriblement émue (estomac noué, larmes qui perlent, membres lourds...!), peut-être parce que c'est un sujet qui me touche, mais je crois surtout que l'auteur arrive, sans fioritures, à nous faire prendre conscience de notre humanité, de notre capacité à éprouver, à sentir, à aimer.
"Mais par une nuit chaude, quand tout le monde se promène dans les rues ou quand je suis assis dans un cinéma, il y a comme un bruissement : je frôle quelqu'un un instant, et je sens la relation profonde entre les individus et la masse." (p. 196)
Nostalgique enfin, car la question de la mémoire apparaît rapidement dans le récit, lorsque Charlie commence à se souvenir, à faire des rêves mettant en scène le passé, à prendre conscience du temps qui passe, qui est passé, qui vient, et donc à sa condition de mortel, à l'éphémère...
"C'est déconcertant, mais je vais me mettre à tout découvrir de ma vie." (p. 59)
Face à ce flot soudain de souvenirs, dont il ne sait s'ils sont réels ou inventés, il oscille entre regret et acceptation : faut-il qu'il revoie ses parents ? Doit-il pardonner à ses collègues ? A-t-il bien fait d'accepter l'opération ? N'était-il pas heureux avant, même avec un faible QI ?
"Je voudrais que le souvenir soit une photographie pour que je puisse la déchirer et lui en jeter les morceaux à la figure." (p. 124)
Ce sentiment d'insatisfaction apparaît et s'accroît en même temps que son intelligence, comme si cette dernière, en élargissant son champ des possibles, le perdait parmi toutes ces possibilités, toutes ces décisions, ces responsabilités à prendre, à tenir, à défendre. Même devenu autonome, suprêmement intelligent, n'a-t-il vraiment plus besoin d'aide ? Ou plutôt : pourquoi refuse-t-il désormais l'aide d'autrui, s'enfermant dans sa solitude ? Orgueil ? Inconscience ? Timidité ? Méfiance ?
Humaniste, car l'être humain est placé au centre du récit. Charlie Gordon est comme un point d'ancrage autour duquel gravitent hommes, êtres et choses, et c'est par lui que l'auteur questionne les relations à l'Autre, principalement ses relations avec les autres humains (bien que la relation avec la souris Algernon soit aussi abordée). Ce point de vue unique et subjectif est donc lacunaire (on ne sait pas comment "l'autre" voit Charlie), mais aussi extrêmement riche car permettant d'explorer toute l'ambiguïté du personnage, entre l'ancien et le nouveau Charlie, l'enfant et l'adulte...
Quant aux autres personnages, ils sont aussi décrits dans toute leur complexité : il n'y a pas de véritables "méchants", ni de parfaits anges. Les collègues de Charlie, par exemple, se moquent de lui à ses dépens au début de l'histoire, le détestent ensuite lors de sa fulgurante ascension intellectuelle, puis finissent par s'attacher à lui et à le défendre, montrant un tout autre visage, de l'empathie. Cette dimension empathique (du grec ancien ἐν, "dans, à l'intérieur" et πάθoς, "ce qui est éprouvé"), cette compassion (du latin compassio "souffrir avec, ressentir avec") est omniprésente dans ce livre, sans basculer cependant vers de la pitié. La fin m'a terriblement émue (estomac noué, larmes qui perlent, membres lourds...!), peut-être parce que c'est un sujet qui me touche, mais je crois surtout que l'auteur arrive, sans fioritures, à nous faire prendre conscience de notre humanité, de notre capacité à éprouver, à sentir, à aimer.
"Mais par une nuit chaude, quand tout le monde se promène dans les rues ou quand je suis assis dans un cinéma, il y a comme un bruissement : je frôle quelqu'un un instant, et je sens la relation profonde entre les individus et la masse." (p. 196)
Nostalgique enfin, car la question de la mémoire apparaît rapidement dans le récit, lorsque Charlie commence à se souvenir, à faire des rêves mettant en scène le passé, à prendre conscience du temps qui passe, qui est passé, qui vient, et donc à sa condition de mortel, à l'éphémère...
"C'est déconcertant, mais je vais me mettre à tout découvrir de ma vie." (p. 59)
Face à ce flot soudain de souvenirs, dont il ne sait s'ils sont réels ou inventés, il oscille entre regret et acceptation : faut-il qu'il revoie ses parents ? Doit-il pardonner à ses collègues ? A-t-il bien fait d'accepter l'opération ? N'était-il pas heureux avant, même avec un faible QI ?
"Je voudrais que le souvenir soit une photographie pour que je puisse la déchirer et lui en jeter les morceaux à la figure." (p. 124)
Ce sentiment d'insatisfaction apparaît et s'accroît en même temps que son intelligence, comme si cette dernière, en élargissant son champ des possibles, le perdait parmi toutes ces possibilités, toutes ces décisions, ces responsabilités à prendre, à tenir, à défendre. Même devenu autonome, suprêmement intelligent, n'a-t-il vraiment plus besoin d'aide ? Ou plutôt : pourquoi refuse-t-il désormais l'aide d'autrui, s'enfermant dans sa solitude ? Orgueil ? Inconscience ? Timidité ? Méfiance ?
"Plus tu deviendras intelligent, plus tu auras de problèmes, Charlie. Ta croissance mentale va dépasser ta croissance émotionnelle." (p. 58)
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L'atmosphère/le climat
Le climat de ses pages est plutôt froid : un environnement d'hôpital, d'asile et de laboratoire, "métallique", des relations complexes et distantes entre Charlie et les scientifiques qui le considèrent comme un cobaye (mais certains revêtent peu-à-peu un visage plus humain, comme le docteur Burt ou le docteur Strauss, et même le professeur Nemur). J'ai d'ailleurs été frappée par le terme "mutilisé" qu'emploie Charlie au début du récit, une faute orthographique très révélatrice (un bel exemple de traduction subtile, presque plus riche que la version origine anglaise, où le terme "use" est laissé tel quel). L'ouvrage débute ainsi :
"Conte randu n°1
3 mars. Le Dr. Strauss dit que je devrez écrire tout ce que je panse et que je me rapèle et tout ce qui marive à partir de maintenan. Je sait pas pourquoi mais il dit que ces un portan pour qu’ils voie si ils peuve mutilisé. J’espaire qu’ils mutiliserons pas que Miss Kinnian dit qu’ils peuve peut être me rendre un télijan."
"Mutilisé" a sonné pour moi comme un mélange des verbes "utiliser" et... "mutiler". Troublant lorsque l'on sait que Charlie va subir une opération... Cela semble sous-entendre qu'au lieu de gagner quelque-chose, l'intelligence, ou justement en la gagnant, il perdrait autre chose... Mais quoi ? Son insouciance ? Son empathie ? Sa douceur ? Sa confiance ?
La froideur aussi de son isolement, de sa solitude, qui lui pèse lorsqu'il en prend conscience, ou plutôt qu'il se la crée lui-même, se détournant d'autrui. Ce n'est qu'après son opération qu'il nourrit de la rancœur vis-à-vis de sa famille, qui l'a rejeté, et de ses collègues, qui se moquaient de lui. Auparavant, il voyait dans son exil une chance d'acquérir plus d'autonomie et de ne pas peser sur sa famille, et dans les plaisanteries de ses camarades une marque d'affection. Si un de ses collègues riait, même de lui, il riait avec lui.
L'opération a comme refroidi son cœur.
"Sans que je sache pourquoi, je m'étais détaché émotionnellement de tout, des êtres et des choses. Et ce que je cherchais réellement, dans les rues sombres - le dernier endroit où j'aurais pu le trouver - , c'était un moyen de me rapprocher de nouveau des gens, émotionnellement, de faire partie de la foule, tout en gardant mon indépendance intellectuelle." (p. 201)
"[...] l'intelligence et l'instruction qui ne sont pas tempérées par une chaleur humaine ne valent pas cher." (p. 244)
Et c'est en visitant l'asile Warren que les pages se réchauffent, dans ce qui est étonnamment le passage le plus lumineux du récit, bien qu'extrêmement poignant. Un lever de soleil, l'hiver.
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La saveur
La saveur de ce livre est douce-amère.
Amère, car comme nous l'avons vu plus haut, la brusque intelligence de Charlie s'accompagne d'insatisfaction, de doute et de regret. Ses "prises de conscience" sont douloureuses : prise de conscience des moqueries de ses camarades, prise de conscience de sa puérilité émotionnelle, prise de conscience d'avoir servi de cobaye, d'être à peine considéré comme un être humain...
Toutefois, une certaine douceur vient presque équilibrer cette amertume (qui rendrait le livre indigeste !), une douceur qui prend la forme de l'attachement, voire de l'amour, que peut éprouver Charlie vis-à-vis de sa professeure, Alice Kinnian, de sa voisine haute en couleurs, Fay Lillman, ou encore de la petite souris Algernon.
"Même un faible d'esprit désire être comme les autres hommes. Un enfant peut ne pas savoir comment manger ni quoi manger, et pourtant, il connaît la fin." (p. 198)
"Même un faible d'esprit désire être comme les autres hommes. Un enfant peut ne pas savoir comment manger ni quoi manger, et pourtant, il connaît la fin." (p. 198)
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Le parfum
Des odeurs très particulières caractérisent ce livre... Une odeur d'hôpital tout d'abord, un mélange d'antiseptique et d'encaustique, là où Charlie rencontre Algernon, se fait opérer et suit des examens post-opératoires.
Des effluves chaudes et sucrées de petits pains et de brioches, dans la boulangerie de monsieur Donner, où il travaille.
Enfin, et plus étonnant, une odeur de poils et de cheveux... (!) Sa patte de lapin porte-bonheur au début du récit (qui m'a fait penser à la peluche en lapin de Simple, le héros du roman éponyme de Marie-Aude Murail ♥, lire plus bas la partie "Les petits frères..."), le pelage d'Algernon, sa visite dans le salon de coiffure de son père.
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Le rythme
Crescendo de façon exponentielle, puis decrescendo. Si l'on devait "tracer" ce rythme, on obtiendrait une belle parabole au coefficient négatif (à la forme de montagne). En effet, l'action s'accélère en parallèle de l'augmentation fulgurante du QI de Charlie, ses réflexions deviennent plus complexes et volubiles, parfois difficiles à suivre d'ailleurs pour les autres qui l'entourent. Puis s'amorce un ralentissement de plus en plus pesant, où le temps semble s'étirer et (re)devenir une mer calme et huileuse.
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La sonorité
Le son y est plutôt strident : un couinement de souris, un bip d'alarme (la souris Algernon doit retrouver son chemin dans un labyrinthe, et reçoit une décharge électrique à la moindre erreur), des rires moqueurs.
Il y a aussi comme un son de sourdine qui vient cadencer les pages, un son régulier d'horloge, lourd et pesant.
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La couleur
La couleur de ce livre est un bleu gris très doux, un peu comme un ciel de fin d'été un peu brumeux qui annonce l'automne.
Comme nous l'avions vu ici, le bleu est une couleur ambiguë : jadis honnie (dans l'Antiquité, le bleu était la couleur du barbare, de l'étranger), elle est aujourd'hui synonyme de douceur et de calme. Une couleur apaisante, la couleur du ciel et de la mer. Mais aussi une couleur insaisissable comme l'eau, une couleur froide, une couleur mélancolique (le blues...).
Une mélancolie que l'on retrouve dans le gris, très souvent associé à la tristesse, à la morosité, voire même à l'ennui. Pourtant, le gris est aussi symbole de sagesse (sans doute de par l'idée de vieillesse qu'il véhicule, cette image du savant vieillard à la longue barbe grise), de connaissance (la matière grise). Enfin, le gris est nébuleux, incertain comme la fumée ou la brume.
Le personnage de Charlie concentre toutes ses caractéristiques du bleu et du gris : la douceur, la mélancolie, la sagesse et l'ennui, un caractère insaisissable et tumultueux.
Comme nous l'avions vu ici, le bleu est une couleur ambiguë : jadis honnie (dans l'Antiquité, le bleu était la couleur du barbare, de l'étranger), elle est aujourd'hui synonyme de douceur et de calme. Une couleur apaisante, la couleur du ciel et de la mer. Mais aussi une couleur insaisissable comme l'eau, une couleur froide, une couleur mélancolique (le blues...).
Une mélancolie que l'on retrouve dans le gris, très souvent associé à la tristesse, à la morosité, voire même à l'ennui. Pourtant, le gris est aussi symbole de sagesse (sans doute de par l'idée de vieillesse qu'il véhicule, cette image du savant vieillard à la longue barbe grise), de connaissance (la matière grise). Enfin, le gris est nébuleux, incertain comme la fumée ou la brume.
Le personnage de Charlie concentre toutes ses caractéristiques du bleu et du gris : la douceur, la mélancolie, la sagesse et l'ennui, un caractère insaisissable et tumultueux.
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Esquisse du potentiel lecteur exalté
Le curieux qui aime se questionner, philosopher, se confronter à d'autres points de vue. Les grands thèmes ici abordés sont donc la science (son "pouvoir", ses limites... avec d'ailleurs la question des tests sur les animaux), le temps, la conscience, autrui...
Celui qui a du mal à s'accepter comme il est, à ne pas se comparer aux autres, l'éternel insatisfait pour qui l'herbe est toujours plus verte chez les autres...
Celui qui cherche à plaire aux autres (alors qu'il est bien plus simple et satisfaisant de chercher à faire du bien aux autres)...
Le sensible, à fleur de peau, qui aime lire et frissonner, compatir avec les personnages, les considérer comme des proches, ceux dont on s'attache irrémédiablement et qui nous font du bien...
Celui qui aime les histoires fantastiques plausibles, sur fond de réalité.
Celui qui aime les histoires du quotidien, avec un soupçon d'étrange, et de poésie.
En conclusion, tout le monde, tout simplement.
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En accompagnement...
Musique
Camille Saint-Saëns, Le Carnaval des animaux, "Les Pianistes", puis "Hémiones (animaux véloces)", et enfin "Le Cygne" (l'ordre est volontairement rompu pour correspondre au fil de l'histoire).
Avec "Les Pianistes" et leurs gammes en crescendo, l'apprentissage de Charlie, d'abord laborieux puis de plus en plus facile, fluide.
Avec "Les Pianistes" et leurs gammes en crescendo, l'apprentissage de Charlie, d'abord laborieux puis de plus en plus facile, fluide.
La vélocité et le rythme rapide des "Hémiones", comme des chevaux galopant, comme le temps qui galope lui aussi, à mesure que Charlie devient de plus en plus intelligent.
La dignité du "Cygne", empreinte de mélancolie, pour les dernières pages...
Les petits frères
MURAIL Marie-Aude. Simple. Paris ; L'École des Loisirs, 2004. 206 pages. Collection Médium.
J'ai pensé spontanément à cette ouvrage de littérature jeunesse (mais que l'on peut lire à tout âge) à la lecture des Fleurs pour Algernon. Le protagoniste, Simple (Barnabé de son vrai nom), a lui aussi un retard mental (22 ans d'âge civil, trois ans d'âge mental), et ne quitte pas son lapin en peluche nommé Pinpin. Pour échapper à Malicroix, un institut spécialisé où son père veut le placer, son frère Kléber décide de l'emmener vivre en colocation avec lui et quatre autres étudiants.
Autour de Simple, le quotidien est souvent cocasse : il dit les choses comme il les pense, sans filtre et sans fioritures, occasionnant des réactions différentes selon les individus, de l'amusement à la gêne, en passant par la curiosité. Mais le véritable fil conducteur de cette ouvrage est la relation fraternelle entre Simple et Kléber, où les rôles semblent inversés, Kléber s'en occupant comme un grand frère, voire comme un père, alors là même qu'il devient adulte et aspire à être autonome et libre de ses choix. Le style d'écriture est net et enlevé, rendant la lecture fluide et rapide, mais non sans poser de véritables questions sur la différence, l'indépendance, la liberté, l'appréhension du monde... Et surtout, une grande tendresse émane de ces pages.
HADDON Mark. Le Bizarre incident du chien pendant la nuit. Paris : Nil éditions, 2004. 304 pages.
Cet ouvrage est lui aussi un coup de cœur de par l'originalité de la narration. C'est en effet Christopher Boone, "quinze ans, trois mois et deux jours", passionné de listes et de mathématiques, dont le bon déroulement de la journée est déterminé par le nombre de voitures rouges croisées, qui a ici la parole, entrecoupée de casse-tête et de problèmes arithmétiques. Lorsque le chien de Mme Shears, la voisine, est retrouvé mort, assassiné par une fourche, il décide de mener l'enquête pour découvrir le coupable, même s'il n'a jamais osé voyager seul au-delà de sa rue, et que les autres humains le déconcertent.
En cuisine : petits pains doux aux fleurs de sureau
Des petits pains doux comme des brioches, à l'odeur chaude et sucrée, pour rappeler la boulangerie où travaille Charlie.
Des fleurs... pour le titre, pour la fin, pour la douceur... Des fleurs de sureau, très parfumées, aux tiges légèrement amères (veillez à en enlever le plus possible)... Doux-amer.
Des nœuds pour la complexité, l'entrelacs du conscient et du subconscient (une forme très imagée de cerveau ?).
Des fleurs... pour le titre, pour la fin, pour la douceur... Des fleurs de sureau, très parfumées, aux tiges légèrement amères (veillez à en enlever le plus possible)... Doux-amer.
Des nœuds pour la complexité, l'entrelacs du conscient et du subconscient (une forme très imagée de cerveau ?).
Pour 4 petits pains :
200 g de farine d’épeautre T80
10 à 20 g de sucre de fleur de coco
10 g de
Lev’épeautre
1 càs de grains de vanille
1 pincée de sel rose de l’Himalaya
140 ml de lait riz/coco
2 belles corymbes de sureau
♦ Effleurer les corymbes de sureau afin de ne prélever que les fleurs. Cette étape est très importante, car il s'agit de retirer au maximum toutes les tiges, qui pourraient rendre la préparation trop amère...
♦ Dans une casserole, faire chauffer le lait végétal avec les 3/4 des fleurs de sureau. Lorsque le lait frémit, retirer du feu, couvrir et laisser infuser 10 minutes avant de filtrer et de réserver le liquide parfumé obtenu.
♦ Mélanger la farine, le sucre de fleur de coco, le Lev'épeautre, la vanille et le sel.
♦ Ajouter le lait parfumé tiédi, bien amalgamer le tout pour former une boule de pâte.
♦ Laisser reposer la pâte au moins une heure à température ambiante.
♦ Lorsque la pâte a doublé de volume, ajouter le reste des fleurs de sureau, pétrir quelques minutes avant de façonner le ou les pain(s) avec des mains bien enfarinées.
Pour former des nœuds, comme sur les photographies, il suffit de diviser la pâte en quatre, de rouler chaque pâton en un boudin d'environ 25 cm de long, puis de faire un nœud simple avec celui-ci.
♦ Laisser somnoler les pains encore 1 heure minimum, si possible à 20-22°C.
♦ Cuire les petits pains environ 15 minutes à 200°C selon votre four, en surveillant bien.
♦ Laisser tiédir avant de les rompre avec gourmandise et de les déguster avec une douce infusion ou une limonade fleurie aux fleurs de sureau.
J'ai ici choisi la délicatesse des fleurs de sureau fraîches, car c'était la saison (et mon père s'est donné du mal pour en cueillir à la cime d'un arbre...), et qu'elles parfument agréablement ces petits pains. Vous pouvez aussi utiliser des fleurs de sureau sèches, en veillant toutefois à la qualité du produit : si trop de tiges sont présentes, l'infusion sera beaucoup trop amère.
Les fleurs de sureau peuvent aussi être remplacées par d'autres fleurs parfumées : fleurs de rose, d'hibiscus (les petits pains se teinteront de rose et auront une saveur légèrement acide), de coquelicot (pour une saveur fumée surprenante), d'acacia, de lilas...
J'ai ici choisi la délicatesse des fleurs de sureau fraîches, car c'était la saison (et mon père s'est donné du mal pour en cueillir à la cime d'un arbre...), et qu'elles parfument agréablement ces petits pains. Vous pouvez aussi utiliser des fleurs de sureau sèches, en veillant toutefois à la qualité du produit : si trop de tiges sont présentes, l'infusion sera beaucoup trop amère.
Les fleurs de sureau peuvent aussi être remplacées par d'autres fleurs parfumées : fleurs de rose, d'hibiscus (les petits pains se teinteront de rose et auront une saveur légèrement acide), de coquelicot (pour une saveur fumée surprenante), d'acacia, de lilas...
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Avez-vous lu ce livre ? Si oui, qu'en avez-vous pensé ? Qu'en avez-vous senti, goûté, entendu ?
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